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Quels soutiens pour le Premier ministre libyen Fayez al-Sarraj en visite en Europe ?

En pleine offensive du maréchal Haftar contre Tripoli, le chef du gouvernement libyen d’union nationale Fayez al-Sarraj rencontre ses alliés européens. Une tournée diplomatique qui suscite peu d’espoirs quant à un arrêt des violences.

Alors que le maréchal Khalifa Haftar intensifie son offensive contre Tripoli, le chef du gouvernement libyen d'union nationale (GNA), Fayez al-Sarraj, rend visite mardi   7 et mercredi 8   mai à ses alliés européens à Milan, Rome et Paris. Si ces derniers condamnent l’opération militaire en cours, tous reconnaissent aujourd’hui que l’homme fort de l’armée doit être partie prenante du processus de paix. Tour d'horizon des positions européennes.

Italie : "La perspective militaire n’est pas la solution"

C’est la première étape du Premier ministre Libyen. À Rome, Fayez al-Sarraj a rencontré mardi le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte. Ce dernier a affirmé "qu’aucune perspective militaire ne [pouvait] garantir la stabilisation du pays". Il a par ailleurs affirmé le souhait de rencontrer le maréchal Haftar.

Rome a toujours souhaité se positionner en leader sur le dossier libyen pour des raisons historiques et de proximité, ce qui a suscité des tensions avec la France. Mais si le Premier ministre italien Matteo Salvini a plusieurs fois accusé Paris d’ingérence et d’interventionnisme, c’est bien l’Italie qui a le rôle le plus actif   : "C’est la seule puissance européenne à avoir des soldats sur le terrain. Il y en a environ 400", affirme à France 24 Roumiana Ougartchinska, auteure et journaliste spécialiste de la Libye. "Ils ont des intérêts très importants en Libye, notamment à travers leur société d’hydrocarbures ENI, et défendent leur pré-carré", explique-t-elle.

L’Allemagne pour un cessez-le-feu

En retrait depuis le début du conflit libyen, l'Allemagne était la seule puissance européenne à avoir émis un avis défavorable concernant l’intervention militaire internationale en 2011, s'abstenant lors du vote du Conseil de sécurité de l'ONU. Face à la montée de la crise libyenne, alors qu'elle assurait en avril la présidence tournante du Conseil de sécurité, elle a appelé à un arrêt des violences et au consensus autour du processus de paix. "Berlin penche plutôt du côté de Fayez al-Sarraj, car sa priorité est un cessez-le-feu", décrypte Roumiana Ougartchinska. "Par ailleurs, l’Allemagne est préoccupée par la question migratoire, les bateaux des [candidats à l'exil] partant des côtes contrôlées par le gouvernement d’unité nationale. Berlin considère que la stratégie de coopération mise en place par l’Italie à ce sujet a porté ses fruits", rappelle-t-elle.

La France : priorité à la lutte anti-terroriste

En 2011, Nicolas Sarkozy se posait en défenseur du peuple libyen contre la tyrannie de Mouammar Kadhafi. Huit ans après l’intervention militaire, la France affiche clairement sa priorité   : la lutte contre le terrorisme. Paris soutient le gouvernement d’Union nationale. Toutefois, dans une interview au Figaro, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’inquiète de voir des "groupes mafieux et des jihadistes" soutenir Fayez al-Sarraj, alors que le général Haftar a "combattu le terrorisme à Benghazi et dans le sud de la Libye". Certains membres du GNA accusent aujourd’hui Paris de mener un double jeu et de soutenir Khalifa Haftar. La France s’en défend, affirmant privilégier le dialogue pour aboutir à une sortie de crise. "La position de la France inquiète Fayez al-Sarraj et sa visite pourrait servir à désamorcer de fausses rumeurs, à défaut d’aboutir sur des avancées concrètes", souligne Hélène Bravin, chercheuse indépendante, interviewée par France 24.

Blocage à l’ONU

La visite de Fayez al-Sarraj en Europe suscite peu d’attentes quant à la résolution du conflit sur le terrain. Le projet de résolution britannique visant à instaurer un cessez-le-feu et permettre un accès humanitaire fait face à l’opposition de la Russie et des États-Unis. Ce blocage représente un réel danger, selon Roumiana Ougartchinka : "Pendant ce temps, on laisse les puissances régionales importer leurs conflits en Libye avec le Qatar et la Turquie du côté du gouvernement d’Union ; les Émirats et l’Égypte du côté de Haftar. La cécité de la communauté internationale ne peut durer éternellement", estime-t-elle.