Le site Wall Street Market permettait à plus d’un million de clients de se fournir en drogues, armes ou faux papiers pour le plus grand bénéfice de trois allemands, à la tête de cet "Amazon" de la drogue, jusqu’à leur arrestation, vendredi.
Ils avaient 22, 29 et 31 ans et géraient Wall Street Market, l’une des plateformes de vente en ligne de drogues, armes et autres services illégaux les plus lucratives du moment. Ces trois Allemands ont été arrêtés vendredi 3 mai après une enquête de près de deux ans menée par la police depuis Berlin en collaboration avec Europol, le FBI et les services néerlandais de police.
Le trio, qui opérait depuis trois régions allemandes, avait réussi à fidéliser près d’1,15 million de clients et 4 500 “commerçants” qui vendaient des drogues, comme le cannabis ou la cocaïne, des armes, des faux papiers, des virus informatiques ou encore des cartes de crédits volées, détaille le FBI dans l’acte d’accusation mis en ligne samedi 4 mai. En trois ans d’existence, Wall Street Market avait ainsi atteint une popularité similaire à Silk Road, le plus célèbre de ces “Amazon” de la drogue jusqu’à son démantèlement en 2013.
Partir avec la caisse
À l’image de son illustre prédécesseur, ce supermarché illégal se terrait dans le “deepweb”, cette partie de l’Internet qui n’est pas référencée par les moteurs de recherche et nécessite l’installation d’un navigateur spécifique garantissant un plus grand anonymat pour y accéder. Les achats sur Wall Street Market étaient réglés en bitcoin ou monero (une autre cryptomonnaie), et les trois Allemands touchaient une commission comprise entre 2 % et 5 % de chaque transaction.
Un modèle économique qui s’est révélé lucratif pour ces “e-barons” de la drogue. Lors des perquisitions aux domiciles des trois suspects, la police allemande a pu saisir plus de 500 000 euros en liquide et en cryptomonnaie, ainsi que des voitures de luxe. Et ce n’est là qu’une partie des profits générés par cette plateforme.
Mais cela ne leur suffisait apparemment pas. Les trois hommes se préparaient, en effet, à partir avec la caisse de Wall Street Market au moment de leur arrestation, ont affirmé les enquêteurs. Fin avril, ils avaient commencé à transférer, d’après le FBI, “entre 10 et 30 millions de dollars” depuis les comptes des utilisateurs vers des portefeuilles électroniques leur appartenant. Ils étaient coutumiers du fait : avant de créer Wall Street Market, ces trois Allemands avaient géré un autre supermarché en ligne de la drogue - German Market Plaza - qu’ils avaient fermé abruptement en 2016 en empochant tout l’argent.
D’autres arrestations à venir ?
C’est cette cupidité qui a précipité la chute de l’empire Wall Street Market. Elle a permis de confirmer les soupçons des enquêteurs quant à l’identité des trois suspects. L’un d’eux utilisait, en effet, pour se connecter à Wall Street Market un VPN (Virtual private network, un outil pour se rendre invisible sur le Net) qui avait la fâcheuse tendance de ne pas fonctionner par moment, révélant ainsi la véritable adresse Internet du suspect. Les enquêteurs l’ont pris sur le fait alors qu’il tentait de récupérer de l’argent du site. Un autre avait transféré des fonds à un portefeuille électronique également utilisé pour d’autres transactions - notamment des achats de jeux vidéo - au cours desquelles le suspect avait fourni sa véritable identité.
L’arrestation des trois Allemands et la saisie des serveurs de Wall Street Market vont fournir de précieuses informations sur les utilisateurs de la plateforme et pourraient mener à davantage d'interpellations. Elles ont, d’ailleurs déjà commencé : les éléments de l’enquête on déjà permis d’arrêter aux États-Unis deux des revendeurs de drogues les plus prolifiques.
La fin de Silk Road en 2013 avait également signifié le début des ennuis pour ses utilisateurs et des arrestations liées à cette plateforme ont continué jusqu’en 2018. La saga Silk Road a aussi démontré que sur ce créneau, un successeur ne tarde pas à émerger. Il y a eu Alphabay, Silk Road 2.0, le Valhalla Marketplace ou encore Wall Street Market. Et les clients doivent déjà être à la recherche de son successeur.