Des documents rendus publics mardi en Grande-Bretagne pour désamorcer une controverse née à la suite de la libération du Libyen condamné pour l'attentat de Lockerbie révèlent que Gordon Brown ne voulait pas le voir mourir en prison.
AFP - Un responsable du gouvernement britannique avait expliqué aux autorités libyennes que le Premier ministre Gordon Brown ne voulait pas voir mourir en prison le Libyen condamné pour l'attentat de Lockerbie, selon des documents rendus publics mardi.
Bill Rammell, qui était alors secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, a fait ces déclarations au cours d'une visite à Tripoli en février dernier, selon le ministre libyen chargé de l'Europe, Abdulati Alobidi.
Une mention de cette conversation apparaît dans des documents rendus publics pour tenter de désamorcer une controverse sur la libération par la justice écossaise d'Abdelbaset Ali Mohamed al-Megrahi et à la suite d'accusations du Sunday Times selon lesquelles elle aurait été obtenue en échange d'un contrat pétrolier juteux.
Un compte rendu d'une rencontre entre M. Alobidi et le ministre écossais de la Justice Kenny MacAskill le 10 août suggère que le gouvernement britannique ne souhaitait pas voir mourir dans sa prison écossaise M. Megrahi, seul condamné pour l'attentat de Lockerbie de 1988 et atteint d'un cancer en phase terminale.
Megrahi avait été condamné en 2001 à la prison à vie pour l'explosion d'un avion de la compagnie américaine Pan Am au-dessus du village écossais de Lockerbie, qui avait fait 270 morts.
"M. Alobidi a confirmé qu'il avait répété à M. Rammell que la mort de M. Megrahi dans une prison écossaise aurait des effets désastreux sur les relations entre la Libye et le Royaume-Uni", indiquent les notes publiées par le gouvernement écossais.
"M. Alobidi a ajouté que M. Rammell lui avait indiqué que ni le Premier ministre ni le ministre des Affaires étrangères (David Miliband ndlr) ne souhaitaient voir M. Megrahi mourir en prison, mais que la décision sur un transfèrement dépendait du gouvernement écossais".
L'Ecosse a libéré M. Megrahi pour des raisons médicales le 20 août, s'attirant la colère des proches des victimes de la tragédie, en majorité américaines, et de la Maison Blanche.
D'autres documents publiés par Downing Street mardi révèlent que Londres avait accepté d'inclure le Libyen condamné pour l'attentat de Lockerbie dans un accord de transfèrement de prisonniers avec Tripoli afin de ne pas "nuire" à ses relations avec ce pays.
"Je ne crois pas qu'il soit nécessaire, ou judicieux, de nuire à nos relations étendues et profitables avec la Libye", écrivait le 11 février 2008 le ministre britannique de la Justice, Jack Straw, dans une lettre adressée au Premier ministre écossais, Alex Salmond.
Les lettres de M. Straw n'évoquent pas une seule fois le pétrole, ni même les relations commerciales, mais le ministre cite les "intérêts nationaux" du Royaume-Uni.
"Développer de bonnes relations avec la Libye et l'aider à se réinsérer dans la communauté internationale, est bénéfique pour le Royaume-Uni", écrit le ministre le 11 février 2008. "Après avoir soutenu des attentats terroristes dans le passé, le pays est dorénavant un partenaire important dans la guerre contre le terrorisme", souligne-t-il.
M. Straw avait dans un premier temps soutenu l'exclusion d'Al-Megrahi de l'accord de transfèrement, mais il a changé d'avis en raison des "intérêts supérieurs du Royaume-Uni", selon des termes employés dans une lettre du ministre datant de décembre 2007.
La publication de la correspondance fait suite à des révélations du Sunday Times de dimanche qui avait cité deux des lettres faisant état de la volte-face de M. Straw. Le journal attribuait ce revirement à un contrat pétrolier entre la compagnie britannique BP et la Libye, d'un montant potentiel de 15 milliards de livres, ce que le gouvernement a fermement démenti.
L'accord de transfèrement n'a finalement pas servi dans le cas d'al-Megrahi, libéré pour des raisons de santé.