Emmanuel Macron a défendu, jeudi, sa vision pour la Corse et tendu la main aux élus nationalistes, qui ont refusé d'assister à la dernière rencontre organisée dans le cadre du grand débat visant à répondre à la crise des Gilets jaunes.
Emmanuel Macron s’est rendu, jeudi 4 avril, en Corse, dernière étape de son tour de France des régions engagé le 15 janvier dans le cadre du grand débat, censé répondre à la crise des Gilets jaunes.
Discrètement arrivé dans la matinée, il a salué "la singularité" de la Corse au milieu de la "diversité" de la France. Il a ouvert le grand débat avec 160 maires de l'île, malgré l'absence notable des responsables nationalistes, qui ont boycotté la visite du président.
En introduisant le débat, Emmanuel Macron a loué leur "attachement viscéral au dialogue républicain" qui "parfois s'emporte mais toujours revient". Il a souhaité un "débat libre et utile (...) pour la Corse".
Offensif, l'édile de Pietrosella, Jean-Baptiste Luccioni, a déclaré avoir à la fois "mal vécu" la visite du 6 février 2018 mais "tout autant mal vécu la lettre reçue nous incitant au boycott" du débat.
Si les maires d'Ajaccio ou de Propriano étaient présents, plus de la moitié des 360 maires manquaient, ainsi que les deux hommes forts de l'île, le président du conseil exécutif, Gilles Simeoni, et celui de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, au pouvoir depuis 2015.
Frustrés de ne pas obtenir d'avancées sur leur demande d'une autonomie plus large, ils avaient annoncé leur boycott, tandis que la coalition nationaliste Pè a Corsica a organisé une opération "île morte", la première depuis des années, partiellement suivie. Le puissant syndicat des travailleurs corses STC a également appelé à la grève, pour s'opposer au "mépris de l'État français vis-à-vis de la Corse".
Emmanuel Macron décline l'invitation des nationalistes
Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni avaient invité, mercredi, Emmanuel Macron à s'exprimer devant les élus de l'Assemblée de Corse, ce que le Président a aussitôt refusé, en leur proposant de les rencontrer à Cozzano ou à Paris. Une "rebuffade", selon les nationalistes, qui assurent rechercher eux aussi le dialogue.
Accompagné de la ministre de la Cohésion des Territoires, Jacqueline Gourault, chargée du dossier Corse, Emmanuel Macron veut centrer le débat sur les problèmes quotidiens des habitants, plutôt que sur les revendications jugées "totémiques" des nationalistes : autonomie, langue corse obligatoire jusqu'en terminale ou retour des prisonniers détenus sur le continent.
"Ces prisonniers ne sont que trois : les assassins du préfet Érignac", s'agace l'entourage du président. Emmanuel Macron a déploré ne pas avoir entendu de "regrets" sur l'assassinat du préfet Érignac en 1998 de la part des nationalistes qui risquent de faire "bégayer l'histoire", affirmant que pour lui "les Corses méritent mieux que des guerres de tranchées". Il répondait au maire LREM de Bonifacio, Jean-Charles Orsucci, qui l'avait enjoint à "trouver les mots de paix" et à rétablir le dialogue entre la Corse et l'État. Sinon, "il n'y aura pas de statu quo, Monsieur le président. Nous irons vers des jours noirs", avait-il lancé.
Les dirigeants nationalistes, Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, ont jugé "profondément injuste" et "absurde" de la part du président Macron d'invoquer un manque de "regrets" sur l'assassinat du préfet . "Aujourd'hui on va refuser de dialoguer avec nous parce qu'il y a eu l'assassinat du préfet Erignac ? C'est invraisemblable, c'est un argument dépassé qui ne résiste pas à l'examen", a réagi Gilles Simeoni.
Pour la langue corse, Emmanuel Macron avait déjà annoncé qu'elle deviendrait l'une des spécialités à part entière du nouveau baccalauréat. Quant aux institutions, il estime avoir déjà fait une concession majeure en promettant l'inscription de la spécificité corse dans la Constitution.
Avec AFP