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L'Arabie saoudite a-t-elle joué un rôle dans la révélation de l'infidélité de Jeff Bezos ?

L'Arabie saoudite est accusée d'avoir piraté le téléphone de Jeff Bezos, puis d'avoir fourni au roi américain de la presse à scandale des éléments sur l'infidélité du patron d'Amazon, affirme un enquêteur travaillant pour le milliardaire américain.

Après Jeff Bezos contre le roi de la presse à scandale, Jeff Bezos contre l'Arabie saoudite. La croisade du puissant patron du géant de l'e-commerce et du Washington Post pour découvrir comment le tabloïd américain National Enquirer avait eu vent de l'existence de sa relation adultère a pris un virage inattendu, samedi 30   mars. Dans une longue tribune publiée par le site Daily Beast, Gavin de Becker, un enquêteur chargé par Jeff Bezos de démêler les fils de ce scandale, a accusé Riyad d'avoir tiré les ficelles en coulisses.

"Nos enquêteurs et plusieurs experts ont conclu avec un haut degré de certitude que l'Arabie saoudite avait eu accès au téléphone de Jeff Bezos, et obtenu des informations personnelles", lâche Gavin de Becker. Une affirmation démentie par AMI, le groupe de presse à scandales qui détient le National Enquirer, dimanche 31   mars.

Le frère de la maîtresse de Jeff Bezos

Mais quel rapport entre une histoire d'adultère impliquant Jeff Bezos et le royaume dirigé par le prince héritier Mohammed ben Salmane   ? À l'origine de cette affaire, il y a le bras de fer entre l'homme le plus riche du monde (selon le magazine Forbes) et David Pecker, le patron d'AMI, surtout connu pour ses liens d'amitié et son soutien à Donald Trump, le président des États-Unis. Une bataille aux relents de lutte de pouvoir 100   % "made in America", qui semble n'avoir rien à voir avec le dirigeant saoudien.

Pourtant, lorsque Jeff Bezos a accusé, début février, David Pecker d'avoir essayé de le faire chanter en menaçant de publier des selfies salaces, il précise que le roi de la presse à scandale exigeait que le Washington Post arrête d'enquêter sur les liens entre AMI et l'Arabie saoudite. Au lieu de céder, le patron d'Amazon a décidé de laver son linge olé-olé en public et a chargé Gavin de Becker de faire le ménage en coulisse.

L'enquête de ce spécialiste de la protection des puissants et des célébrités (de Ronald Reagan à Madonna ou John Travolta) n'a pas tardé à porter ses fruits. En quelques jours, il détermine que la source qui a fourni les photos volées au National Enquirer était Michael Sanchez, le frère de Lauren Sanchez, l'amante de Jeff Bezos. AMI n'hésite pas à confirmer cette hypothèse et l'affaire semble se résumer à une histoire de famille.

Sauf que Gavin de Becker soupçonne le frère de n'être qu'un maillon de la chaîne. Michael Sanchez a affirmé à plusieurs médias avoir été contacté par le National Enquirer qui cherchait à obtenir des éléments pour corroborer des éléments déjà en possession du quotidien. En d'autres termes, quelqu'un aurait fourni en amont à AMI des informations compromettantes. Michael Sanchez n'aurait servi que de pion facile à sacrifier pour dissimuler l'identité de la véritable source du National Enquirer, qui serait l'Arabie saoudite.

Manque de preuves

"Nous ne sommes pas parvenus à cette conclusion à la légère", assure l'enquêteur. Il cite de "nombreux entretiens avec des cadres d'AMI, des spécialistes du renseignement au Moyen-Orient, des experts en cybersécurité, des conseillers et ex-conseillers de Donald Trump" qui l'ont confortés dans sa théorie. Il assure aussi que l'Arabie saoudite est connue pour utiliser des "logiciels espions capables d'intercepter les communications téléphoniques". Des enquêtes du New York Times et Washington Post ont établi, en 2018, que le royaume wahhabite avait acheté ce genre de programmes à NSO, une start-up israélienne spécialisée dans l'espionnage électronique.

Outre les moyens, Riyad aurait également un motif pour s'en prendre à Jeff Bezos, d'après Gavin de Becker. Le propriétaire du Washington Post serait devenu le visage de ce que les Saoudiens perçoivent comme un acharnement médiatique contre leur pays après le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi au consulat d'Arabie saoudite en Turquie, en octobre   2018. Dès mi-octobre, des appels à boycotter Amazon et Souq, sa vitrine moyen-orientale, sont apparu sur Twitter. Le milliardaire américain est qualifié de "raciste malveillant qui mène une vaste campagne médiatique pour déstabiliser [l'Arabie saoudite]", par un journaliste saoudien dans une vidéo postée en novembre 2018 sur Twitter qui a été partagée des milliers de fois.

Le piratage du téléphone de Jeff Bezos pour obtenir des informations compromettantes, comme des SMS échangés avec sa maîtresse, serait la suite logique à cette campagne anti-Bezos menée depuis Riyad, suggère Gavin de Becker. Seul problème   : l'enquêteur ne fournit aucune preuve concrète de l'implication de l'Arabie saoudite, se contentant d'indiquer avoir fourni ses "conclusions aux autorités fédérales". Et en attendant de savoir si la justice américaine se saisit de l'affaire, c'est la parole de Gavin de Becker contre celle d'AMI.