
En visite au Maroc à l'invitation du roi Mohammed VI, le pape François a défendu, devant 25 000 personnes, "la liberté de conscience" et "la liberté religieuse", permettant à chacun de vivre selon sa propre conviction religieuse.
Devant le roi du Maroc, Mohammed VI et près de 25 000 personnes rassemblées sur la grande esplanade de Rabat, le pape François a défendu, samedi 30 mars, "la liberté de conscience" et "la liberté religieuse", permettant à chacun de vivre selon sa propre conviction religieuse.
"Il est indispensable d'opposer au fanatisme et au fondamentalisme la solidarité de tous les croyants, ayant comme références inestimables de notre manière d'agir les valeurs qui nous sont communes", a-t-il également déclaré, en ajoutant qu'une "préparation appropriée des futurs guides religieux [était] nécessaire".
Jérusalem, "patrimoine commun" des trois religions monothéistes
Le chef de l'Église catholique, le premier à se rendre au Maroc depuis Jean Paul II en août 1985, a également appuyé l'action de Mohammed VI en faveur d'une forme modérée de l'islam qui favorise le dialogue entre les confessions et rejette toute forme de terrorisme ou de violence prétendument commise au nom de Dieu.
Dans un texte commun diffusé plus tard dans la journée, le pape et le roi ont également appelé à "préserver" Jérusalem comme "patrimoine commun des trois religions monothéistes". "Nous pensons important de préserver la Ville sainte de Jérusalem/Al Qods Acharif [Jérusalem la sainte, en arabe] comme patrimoine commun de l'humanité et, par dessus tout, pour les fidèles des trois religions monothéistes", ont-ils écrit, soulignant son "unicité et [sa] sacralité".
Grande pompe
Invité par Mohammed VI, le pape François effectue une courte visite au Maroc, centrée sur le dialogue avec l'islam et la problématique des migrations, deux priorités de son pontificat.
Bâtiments repeints, rues pavoisées, pelouses tondues, forces de l'ordre renforcées… Tout a été fait pour recevoir le souverain pontife en grande pompe à Rabat, capitale d'un pays à 99 % musulman.
Lutter contre "les discours radicaux"
Après un tête-à-tête avec Mohammed VI au palais royal, le pape s'est rendu à l'Institut de formation des imams qui accueille des Marocains et des étrangers d'une dizaine de pays, dont la France. Ils sont 1 300 étudiants, hommes et femmes, à suivre des cursus dans cet établissement, fer de lance de "l'islam modéré" prôné par le roi. Les uns deviendront imams, les autres prédicatrices.
La mission du centre, placé sous la tutelle du roi Mohammed VI et levier de sa diplomatie religieuse, est de lutter "contre les discours radicaux", selon son directeur Abdeslam Lazaar.
"C'est un événement très significatif, la première fois qu'un pape est accueilli dans un institut de formation d'imams", a souligné avant la visite le porte-parole du souverain pontife, Alessandro Gisotti, alors que le pape François dénonce régulièrement toute forme d'extrémisme religieux.
Frappé par une vague d'attentats qui a fait 33 morts à Casablanca en 2003, le Maroc s'efforce depuis d'encadrer le champ religieux, à travers la promotion d'un islam "tolérant", après avoir longtemps soutenu les courants islamistes pour contrer l'influence de la gauche, creuset de contestation.
Mais l'enjeu est aussi diplomatique pour le Maroc. Le pays se positionne en effet dans le monde musulman – en particulier en Afrique – comme un maillon fort de la lutte antijihadiste.
Favoriser "la culture de la tolérance"
En février, lors d'une visite historique aux Émirats arabes unis, le pape et le grand imam de l'institution de l'islam sunnite Al-Azhar au Caire, cheikh Ahmed al-Tayeb, avaient cosigné un "document sur la fraternité humaine", appelant notamment à la liberté de croyance et d'expression et à la pleine citoyenneté pour les "minorités" discriminées. Le texte valorise "la culture de la tolérance", sans toutefois aller jusqu'à admettre le droit à ne pas adhérer à une religion. Le pape ne manquera pas d'évoquer ce document qu'il distribue désormais à tous les chefs d'État, selon Alessandro Gisotti.
Au Maroc, où l'islam est la religion d'État, les autorités aiment souligner la "tolérance religieuse" qui permet aux chrétiens étrangers et aux juifs d'exercer librement leur religion. Reste que pour les Marocains considérés automatiquement comme musulmans quand ils n'appartiennent pas à la communauté juive, l'apostasie est désapprouvée par la société et le prosélytisme en faveur d'une autre religion condamné par la loi.
Si le renoncement à l'islam n'est pas explicitement mentionné dans le code pénal, ceux qui sont soupçonnés d'"ébranler la foi d'un musulman ou de le convertir à une autre religion" peuvent être poursuivis. Longtemps dans l'ombre, la petite minorité des convertis plaide ouvertement depuis 2017 pour vivre sa foi "sans persécution" et "sans discrimination".
Avec AFP