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L’Italie, cheval de Troie pour la Chine ?

À l’occasion de la visite, vendredi, à Rome, du président chinois, Xi Jinping, l’Italie doit devenir le premier pays du G7 à soutenir officiellement le controversé programme d’investissement chinois des nouvelles routes de la soie.

Giuseppe Conte et Marco Polo, même combat ? Deux mille ans après la première route de la soie entre Venise et la Chine, le président du Conseil des ministres italien doit exprimer officiellement son soutien aux "nouvelles routes de la soie", un vaste programme d’investissements chinois dans des infrastructures à l’étranger, lors d’une visite du président chinois, Xi Jinping, à Rome, prévue vendredi 22 mars.

L’Italie deviendra ainsi le premier pays du G7 – qui regroupe les sept principales puissances économiques occidentales – à faire le pari chinois. "C’est un geste diplomatique fort qui est avant tout symbolique. Il n’y a aucun organisme en charge des routes de la soie auquel Rome pourrait adhérer", précise Jean-François Dufour, directeur du cabinet de conseil DCA Chine Analyse, contacté par France 24. Le gouvernement italien devrait, tout de même, signer une série d’accords commerciaux pour concrétiser ce rapprochement diplomatique.

Le port de Trieste à sauver

Ce soutien annoncé de l’Italie a exaspéré Washington, en plein conflit commercial avec Pékin. Les États-Unis ont mis Rome en garde contre la tentation de conférer une légitimité au "vaniteux projet chinois".

Mais l’Italie estime que les nouvelles routes de la soie pourraient lui permettre de sortir du tunnel de la récession qui a commencé fin 2018. Rome parie que "ce soutien officiel fera du pays la première destination en Europe des très convoités investissements chinois", résume Jean-François Dufour. Ainsi, le port de Trieste devrait, selon cet expert, être l’un des principaux bénéficiaires à court terme de ce rapprochement. "C’est un port en perte de vitesse économique depuis plusieurs années. Rome pense que la Chine pourrait le revitaliser sur le modèle du port grec du Pirée, dont l’activité a été multipliée par cinq depuis son rachat par la Chine", note l’économiste français.

Pour Pékin, l’Italie représente une nouvelle étape dans son ambitieux programme d’investissements qui vise, avant tout, "à offrir à des entreprises chinoises des débouchés à l’étranger pour compenser un certain ralentissement de l’activité en Chine", rappelle Jean-François Dufour. La Chine s’intéresse ainsi à une coopération avec le groupe spatial et aéronautique italien Leonardo et pourrait profiter de la bonne entente avec Rome pour plaider la cause de Huawei, son champion controversé de l’électronique, dans le cadre du déploiement en Italie de la 5G, la nouvelle génération d’Internet mobile.

Sus au front anti-chinois en Europe

Mais ce rapprochement n’est pas qu’économique. Politiquement, il arrive à point nommé pour Pékin. L’Europe commence, en effet, à durcir le ton à son égard, à l’instar de la Commission européenne qui a, pour la première fois le 12 mars, qualifié la Chine de "rival systémique". L’Allemagne, qui, récemment, était encore plutôt favorable à la superpuissance asiatique "a rejoint la position beaucoup plus ferme de la France", note Jean-François Dufour.

Dans ce contexte, un soutien officiel de l’Italie, troisième économie de l’Union européenne, offre une garantie contre une extension du front antichinois naissant. Une certaine bienveillance ou neutralité européenne est d’autant plus cruciale que les relations commerciales avec les États-Unis ne sont pas au beau fixe. "Il est vrai que, politiquement, l’Italie pourrait devenir un cheval de Troie pour la Chine, parce que les investissements chinois vont pousser Rome à essayer de tempérer l’intransigeance des autres puissances européennes à l’égard de Pékin", reconnaît Jean-François Dufour.

De son côté, l’Italie pense que ce rapprochement est aussi une bonne affaire politique pour elle. Pour les eurosceptiques du gouvernement italien, le pari chinois revient à "démontrer l’indépendance du pays en signifiant à l’Union européenne que l’Italie ne dépend pas de ses subsides", constate Jean-François Dufour. Un choix politique que cet expert qualifie de "paradoxal" car "à plus ou moins long terme, les investissements chinois vont se traduire par une dépendance de l’économie italienne à l’égard de Pékin". Pas sûr que Rome soit gagnant au change.