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Abdelaziz Bouteflika renonce à briguer un nouveau mandat : "Concession ou supercherie ?"

Dans la presse, ce mardi 12 mars, les réactions des journaux algériens, arabes et français aux annonces d’Abdelaziz Bouteflika. Face à la contestation, le président, qui reste au pouvoir, renonce finalement à briguer un cinquième mandat et reporte la présidentielle prévue le 18 avril prochain à une date indéterminée.

À la une de la presse algérienne, les réactions aux annonces, lundi, d’Abdelaziz Bouteflika, qui renonce à briguer un cinquième mandat et reporte l’élection présidentielle à une date indéterminée.

Le message du président algérien est présenté par El Moudjahid comme "une réponse franche et sans aucune ambiguïté aux revendications des récentes manifestations populaires". D’après le quotidien officiel, Abdelaziz Bouteflika, "au service exclusif du peuple algérien", aurait exposé lundi "un plan de travail précis, non seulement   (pour) éviter des fractures et des heurts inutiles, mais aussi pour faire entrer   (l’Algérie) dans une nouvelle ère". "Ouverture républicaine !", salue Reporters, qui précise que le chef de l’État nomme un nouveau gouvernement dirigé par l’ancien ministre de l’Intérieur Noureddine Bedoui, chargé de préparer la "Conférence nationale inclusive", supposée constituer un "prélude" à la transition, qui serait donc organisée par le pouvoir –, ce que refuse, jusqu’à présent, l’opposition.

Cette promesse de transition est accueillie avec méfiance par les quotidiens algériens. "Bouteflika prolonge son quatrième mandat, et restera président sans élection", réagit El Khabar, qui juge les propositions d’Abdelaziz Bouteflika "contraires" à la Constitution. El Watan dénonce de son côté "la dernière ruse de Bouteflika" pour se maintenir au pouvoir   : "Il annule la présidentielle mais reste" en place, critique le journal, en faisant état du "scepticisme" et du "rejet" de la classe politique algérienne. "Bouteflika prolonge son mandat", regrette aussi Liberté-Algérie, qui prévenait déjà lundi que la seule "vraie rupture" serait "le déboulonnement du parti FLN", le parti présidentiel, et "pas seulement la chute du régime que le FLN, s’il survit, pourra reconstituer avec d’autres têtes". "Tout ça pour ça ? Les Algériens sont-ils donc sortis par millions dans les rues pour permettre au pouvoir d’appliquer le plan qui était le sien dès les derniers mois de l’année 2018   ? ", fulmine TSA. Le site algérien se demande quelle va être la réaction de la classe politique face à "ces 'concessions' qui ressemblent à une supercherie ".

Scepticisme, également, des dessinateurs de presse algériens. Dans le dessin de Dilem, le président renonce à un cinquième mandat de cinq ans. "À la place, je ferai un quatrième mandat de dix ans", lui fait dire le dessinateur. Son confrère Saad Benkhelif montre, lui, le chef de l’État étirant largement son quatrième mandat   : "Bouteflika reporte ou plutôt remporte la présidentielle", indique la légende. Comment les Algériens vont-ils réagir aux annonces d’Abdelaziz Bouteflika   ? En s’adaptant à "la ruse du système", d’après Aïnouche, qui a modifié le slogan des manifestants. Ces derniers ne disent plus "non au cinquième mandat", mais "non au prolongement du quatrième mandat". Plus optimiste, Le Hic détourne le célèbre générique de fin des dessins animés Warner Bros. Le roi Abdelaziz Bouteflika a remplacé les créatures de la compagnie américaine   : "That’s all, folks!", "C’est tout pour aujourd’hui, les amis". "Ce n’est pas encore gagné mais ça sent la fin", commente le dessinateur sur Twitter.

Les quotidiens de Tunisie, berceau des printemps arabes, suivent évidemment avec beaucoup d’attention ce qui se passe chez le voisin algérien, comme en témoigne la une d’Assabah, où un dessin montre un père et son fils devant le fauteuil roulant d’Abdelaziz Bouteflika. "Qu’est-ce-que c’est   ?", demande l’enfant. "C’est le tout premier fauteuil 100   % algérien, toutes options – y compris la marche arrière", répond le père. Au Liban, L’Orient-Le Jour annonce que "Bouteflika annule la présidentielle et prolonge de facto son mandat", en citant un opposant   : "C’est pire que si Abdelaziz Bouteflika avait gagné un cinquième mandat en fraudant aux élections. Il s’offre carrément une prolongation de mandat sans passer par les urnes." Le son de cloche est tout autre en Arabie saoudite, où le régime n’a fait aucun commentaire, pour le moment, mais n’en pense pas moins. "Bouteflika fléchit face à la tempête et abandonne la course à la présidentielle", regrette Asharq Al Awsat.

En France, les annonces d’Abdelaziz Bouteflika sont également accueillies avec prudence. "Et maintenant   ?", s’interroge Le Parisien, qui parle d’une "première victoire pour le printemps algérien", d’une série de décisions "saluée", en France, mais qui "plonge l’Algérie dans l’inconnu". "La longue marche du pays vers la démocratie ne fait que commencer", prévient le journal   : "Si les Algériens dans la rue et pacifiquement ont ébranlé le régime, il n’est pas encore à terre." "Première victoire", espère aussi Libération, qui annonce que "si Abdelaziz Bouteflika tient parole, c’est un autre printemps arabe qui se déroulera, dans le plus grand pays du Maghreb, plein d’espoir et d’énergie, à côté de la valeureuse Tunisie, au rebours des échecs égyptiens et, surtout, de la tragédie syrienne". Mais le journal note que "le président invisible reste au pouvoir, et avec lui le système militaro-clientéliste qui gouverne l’Algérie depuis l’indépendance". "L’Algérie tourne la page Bouteflika", annonce Le Figaro, ému par la "soif de vie" des Algériens, et leur "espoir" de changement, leur espoir d’une "transition pacifique".

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