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Arbitrage Crédit Lyonnais : ouverture du procès de Bernard Tapie pour "escroquerie"

Le procès de Bernard Tapie pour "escroquerie" s'est ouvert lundi à Paris. L'arbitrage qui lui avait octroyé 403 millions d'euros, en 2008, pour solder son litige avec le Crédit Lyonnais avait finalement été annulé pour "fraude".

L’ancien ministre Bernard Tapie a commencé, lundi 11 mars, à être jugé devant le tribunal correctionnel de Paris avec cinq autres prévenus pour "escroquerie" dans l'affaire de l'arbitrage frauduleux de 2008, qui lui avait accordé 403 millions d'euros pour solder son litige avec le Crédit Lyonnais. Également poursuivi pour "détournement de fonds publics", il encourt sept ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende.

Affaibli par un cancer de l'estomac, Bernard Tapie, 76 ans, n'en est pas moins "déterminé" à démontrer qu'il n'a pas "volé le contribuable" et promet de rendre coup pour coup aux accusations qu'il conteste ardemment. Le procès, dont la première journée était consacrée à des questions de procédure, l'occasion de premières piques entre les bancs de la défense et les parties civiles, à couteaux tirés, doit se tenir jusqu'au 5 avril.

Comparaissent à ses côtés son ancien avocat Maurice Lantourne, l'un des trois arbitres ayant rendu la sentence frauduleuse, Pierre Estoup, le patron d'Orange Stéphane Richard, directeur de cabinet de la ministre de l'Économie Christine Lagarde à l'époque des faits, et les deux ex-dirigeants des entités chargées de gérer le passif du Crédit Lyonnais, Jean-François Rocchi et Bernard Scemama. Ils sont accusés d'avoir organisé ou de s'être rendus complices d'une "escroquerie", à travers un arbitrage qu'ils savaient favorable à l'ancien patron d’Adidas.

Après avoir rejeté une demande de renvoi formulée par des liquidateurs judiciaires de Bernard Tapie, en faillite personnelle depuis décembre 1994, le tribunal a examiné des requêtes en nullité. Les avocats de Bernard Tapie et Maurice Lantourne demandent notamment l'annulation de l'ordonnance de renvoi, au motif que leurs clients sont poursuivis pour des faits pour lesquels ils n'ont pas été mis en examen. Le tribunal rendra sa décision à la reprise de l'audience, mardi à 13 h 30. En cas de poursuite des débats, Bernard Tapie devrait être auditionné dès mardi.

La "partialité" de l’arbitrage en question

Il est reproché à l’ancien président de l’OM de s'être assuré avec son avocat de la "partialité" de l'arbitre Pierre Estoup, qui aurait "marginalisé" les deux autres membres du tribunal arbitral, l'ex-grande voix du barreau Jean-Denis Bredin et l'ancien président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud, pour rendre une décision dans les intérêts de l'homme d'affaires.

Bernard Tapie est également soupçonné d’avoir fait pression sur ses soutiens à l'Élysée pour obtenir un arbitrage, malgré l'hostilité d'administrations publiques favorables à une résolution judiciaire classique. Une fois la sentence rendue, il aurait tout fait pour que Bercy n'engage pas de recours. Cette absence de recours a valu à Christine Lagarde, fin 2016, d'être reconnue coupable de "négligence" tout étant dispensée de peine. Citée par Bernard Tapie, la patronne du Fonds monétaire international (FMI) ne viendra toutefois pas à Paris "vu ses indisponibilités", a indiqué la présidente du tribunal.

La procédure d'arbitrage, un règlement privé, avait été décidé peu après l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007, afin de mettre un terme à un vieux contentieux entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais, né de la revente en 1993 du groupe allemand Adidas.

La sentence arbitrale avait attribué en juillet 2008 plus de 400 millions d'euros à l'ancien ministre de la Ville de François Mitterrand, dont 45 millions au titre du "préjudice moral". Cette sentence ayant été annulée au civil, Bernard Tapie a été condamné à rembourser les sommes perçues, elles aussi contestées. Pour les créanciers, la dette s'élève désormais, avec les intérêts, à près de 525 millions d'euros.

L'avenir des sociétés de Bernard Tapie, dont dépend ce remboursement, est par ailleurs suspendu à une décision du tribunal de commerce de Paris. L'audience, prévue lundi matin, a été renvoyée au 15 avril.

L'État et le Consortium de réalisation (CDR), l'organisme chargé de gérer le passif de l'ancienne banque publique, tous deux parties civiles au procès, réclament respectivement 1 million et 500 000 euros au titre du préjudice moral aux mandataires de l’homme d’affaires.

Avec AFP