La galerie parisienne Sakura a annulé une exposition du plasticien Guillaume Verda, après une salve de critiques qui dénoncent un plagiat des tableaux de Jean Michel Basquiat. Où s’arrête l’inspiration, où commence la copie ?
Le renouvellement artistique n’était pas au rendez-vous, de toute évidence. Certains ont même crié au plagiat. Le travail de Guillaume Verda, jeune plasticien et sculpteur sorti depuis une décennie la prestigieuse école Boulle à Paris, montre d’évidentes et troublantes ressemblances avec l’œuvre de Jean Michel Basquiat. Est-ce un hommage au street artist new-yorkais devenu la coqueluche de l’art contemporain? Ou plus prosaïquement du sous-Basquiat à bas prix ? La polémique a enflé sur les réseaux sociaux jusqu’à pousser la galerie Sakura, à Paris, à annuler l’exposition.
L’artiste a vidé toutes les archives de son site internet et vérouillé son compte instagram, en attendant que la polémique s’épuise, nous explique la galerie Sakura. "Il a reçu des menaces, beaucoup de menaces et de haine, de nombreux messages et mails, une avalanche de critiques non-constructives. C’est complètement disproportionné par rapport au sujet", estime Jean-Baptiste Simon, directeur de la galerie, joint par France 24. "Il ne cherche pas à se cacher, car il assume son travail, mais il ne veut pas subir cette pression des réseaux sociaux." La galerie, quant à elle, a pris la décision d’annuler l’exposition "dans le but d’apaiser les tensions et d’assurer la sécurité du public".
Pas de mention de l'influence de Basquiat
L’étincelle de la polémique jaillit sur Twitter le 19 février, quand @OneBananaADay met en évidence la proximité entre le travail de Guillaume Verda et celui de Jean Michel Basquiat, et relève qu’il n’existe "pas une seule mention de l'influence énorme qu'a Basquiat sur son 'travail' qu'on peut (…) qualifier de mauvaise copie". "Non au lieu de ça, on parle de 'vaudo urban', 'expressionnisme du masque rituel', etc... (…) Bravo l'appropriation culturelle et les néologismes exotisants. Pitoyable", écrit encore cet internaute, de son vrai nom Alex Loembe, photographe et vidéaste. Son fil tweeter est partagé des milliers de fois, commenté, relayé sur Instagram et Facebook.
Pas une seule mention de l'influence énorme qu'a Basquiat sur son "travail" qu'on peut si je puis me permettre de qualifier de mauvaise copie, non au lieu de ça on parle de "vaudo urban", "expressionnisme du masque rituel", etc... : pic.twitter.com/5F7b7GSzaC
???? Ⓝigga Ⓢociologist ???? (@OneBananaADay) 19 février 2019Faut-il reprocher à Guillaume Verda de copier Basquiat sans le citer ? La galerie Sakura défend l’artiste et son droit de "s’inscrire dans le néo-expressionnisme, l’art brut, d’aimer passionnément l’Afrique et d'avoir une profonde admiration pour Basquiat". Ce n’est pas du plagiat, non, car "beaucoup d’artistes travaillent comme ça, en s’inspirant d’un artiste ou d’un mouvement." Pour appuyer son propos, Jean-Baptiste Simon renvoie aux multiples références à #Basquiat ou #styleBasquiat dans les mots-clés des publications de l’artiste sur Instagram. À y regarder de plus près, ces références ne sont pourtant pas systématiquement présentes. Les mots-clés #AndyWarhol #AfricanArt #streetart ou #neoexpressionism semblent parfois suffire. Surtout, rien, dans la présentation de l’exposition à la galerie Sakura, n’explicitait un quelconque hommage à la star du street-art, à laquelle la Fondation Vuitton à Paris consacrait une grande exposition en 2018.
Approximations artistiques
La galerie Sakura s’attire d’autant plus les foudres des amateurs d’art qu’elle a déjà été critiquée pour d’autres approximations artistiques par le passé, lorsqu’elle a mis en avant des tableaux qui oscillent entre le plagiat et l’hommage, ceux de Benjamin Spark et Ideealizse en particulier, qui reprennent quasi-telles quelles des identités visuelles issues du comic-strip et des super-héros.
De son côté, la galerie assume l’idée d’attirer des acheteurs qui n’ont pas les moyens de s’offrir un authentique tableau de Basquiat, mais qui en aimeraient le style. Existe-t-il donc des sous-genres artistiques qui seraient hors d’atteinte du droit d’auteur ? Jean Michel Basquiat, enfant prodige de l’art contemporain, peut-il avoir des descendants ? Existe-t-il, en dehors de toute considération pécuniaire sur son immense côte sur le marché de l’art, un "genre Basquiat" propre à être perpétué, comme s’interrogeait l’été dernier The Atlantic ? Les marchands d’art ont sûrement leur mot à dire. L’agence new-yorkaise Artestar, qui représente l’œuvre de Jean Michel Basquiat, n’a pas répondu à nos sollicitations.