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Jeff Bezos se dit victime d’un chantage, nouvel épisode de la guerre Bezos -Trump

Le patron d'Amazon, accuse le National Enquirer de le menacer de publier des photos intimes. L'affaire, qui implique un tabloïd pro-Trump, est une nouvelle illustration de l'hostilité entre le président et l’homme le plus riche du monde.

L’homme le plus riche du monde, en plein divorce, se dit victime d’un chantage aux photos intimes de la part d’un tabloïd pro-Trump, qui vient attiser une hostilité publique entre les deux hommes : voici réunis les ingrédients d’un bon thriller politique.

Dans un long texte publié sur la plateforme Medium , vendredi 8 février, le fondateur d’Amazon, et propriétaire du Washington Post, accuse l’éditeur American Media (AMI), propriétaire du magazine National Enquirer, de chantage aux photos intimes, échange de mails à l’appui. Ce tabloïd pro-Trump, en possession de clichés personnels de Bezos et de Lauren Sanchez , une ancienne présentatrcie de télévision, a menacé le multimilliardaire de les publier.

L’objectif selon Bezos : qu’il renonce à enquêter sur les liens de AMI, proche de Donald Trump, avec l’Arabie saoudite. Bezos estime également que la couverture par le Washington Post de l'assassinat de son chroniqueur Jamal Khashoggi n'est pas étrangère à ses déboires avec le National Enquirer.

Cette accusation est le dernier épisode en date d'une guerre à entrées multiples entre Jeff Bezos et Donald Trump. Le premier est propriétaire du Washington Post, journal qui a multiplié les révélations sur Trump et provoqué maintes fois des tweets rageurs du président , le second bénéficie de l’appui indéfectible du National Enquirer, l’un des tabloïds les plus lus aux États-Unis.

Liaison déballée dans le National Enquirer

Le différend entre le patron d’Amazon, dont la fortune est évaluée à 120 milliards de dollars, et le National Enquirer remonte au divorce de Jeff Bezos, qui pourrait bien être l’un des plus chers au monde . Le 10 janvier, au lendemain de l'annonce de la séparation de Jeff et MacKenzie Bezos après 25   ans de mariage, le tabloïd déballe, photos et SMS à la clef, la liaison du patron d'Amazon avec Lauren Sanchez.

Pour comprendre comment le magazine avait pu mettre la main sur ces documents, Jeff Bezos a alors fait appel aux services de son ancien chef de sécurité, Gavin de Becker . Très rapidement, ce dernier et Jeff Bezos  déclarent que les révélations publiées par le National Enquirer avaient une motivation politique.

Selon Jeff Bezos, le groupe AMI l'a contacté pour lui demander de ne rien divulguer de son enquête. Et même de nier publiquement que "la couverture d'AMI était politiquement motivée".

En contrepartie, AMI s'engageait à ne pas utiliser des photos intimes échangées entre Jeff Bezos et son amie.

Le National Enquirer a annoncé, vendredi, l'ouverture d'une enquête interne sur ces accusations de chantage.   "American Media est convaincu d'avoir agi dans le respect de la loi en suivant l'histoire de M. Bezos", a réagi le groupe dans un message transmis à l'AFP, affirmant que les négociations dont a fait état le patron d'Amazon ont été menées "de bonne foi".

Cent-cinquante mille dollars versés à une ancienne modèle de Playboy

Il faut savoir que le PDG d’AMI, David Pecker, est un ami de longue date du président américain. Il lui a rendu de précieux services pour lesquels son magazine fait aujourd’hui l’objet d’une enquête fédérale. Il a néanmoins réussi à négocier l’immunité . Cette enquête avait pour but de déterminer de quelle manière AMI a protégé le président avant son élection.   En 2016, le groupe avait en effet versé 150   000 dollars à une ancienne modèle de Playboy affirmant avoir eu une liaison avec Donald Trump . Officiellement pour s'assurer l'exclusivité du récit de son aventure, officieusement pour empêcher une publication qui aurait pu nuire à la campagne de Trump.

Y-avait-il des contreparties autres que l’amitié du président ? Becker a été l’hôte d’un dîner privé avec le président Trump et des officiels d’Arabie saoudite, un pays où Pecker cherchait à développer ses affaires. AMI a aussi financé une publication favorable au régime saoudien et à son prince héritier, Mohammed ben Salmane, un mois avant sa visite aux États-Unis en mars 2018. "Pour des raisons qui restent à éclaircir, l’angle saoudien semble toucher une corde particulièrement sensible (chez AMI)" , estime Jeff Bezos dans sa tribune au ton véhément.

"Jeff Bozo"

Jeff Bezos laisse aussi entendre que ses dêmélés avec le National Enquirer sont liés au fait qu'il possède le Washington Post, détesté par le locataire de la Maison Blanche en raison de sa couverure extrêmement critique envers le président.  L’une de ses plumes n’est autre que Bob Woodward, héros du Watergate, qui a publié un livre accablant sur le fonctionnement de la Maison Blanche sous Trump.

Le Washington Post a aussi publié des révélations sur l’ingérence russe durant sa campagne. Ce dernier ne s’est jamais privé de dire tout le mal qu’il pensait du "Post". Dans un tweet d'avril 2018, il a ainsi estimé  que le journal agit comme le "lobbyiste en chef" d'Amazon, entreprise qu'il ne cesse de critiquer.

À plusieurs reprises, le président américain s’en est pris à Bezos en personne sur Twitter. Notamment après la publication de l'article du National Enquirer sur son divorce, Donald Trump a traité ce dernier de "Jeff Bozo" (Jeff le stupide).

So sorry to hear the news about Jeff Bozo being taken down by a competitor whose reporting, I understand, is far more accurate than the reporting in his lobbyist newspaper, the Amazon Washington Post. Hopefully the paper will soon be placed in better & more responsible hands!

  Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 14 janvier 2019

"Proposition d’extorsion"

En choisissant de rendre publique la démarche d'AMI, qualifiée de "proposition d'extorsion", Jeff Bezos pourrait aggraver les démêlés de David Pecker avec la justice. Si ce chantage est confirmé,  AMI et son directeur général n'auront-ils pas de ce fait enfreint l’accord passé avec les procureurs fédéraux dans l’enquête sur l’achat du témoignage de la maîtresse présumée de Trump   ?

L'absence de poursuites était en effet subordonnée au fait qu'AMI ne commette pas d'autre infraction à la loi, selon le bureau du procureur de New York. S’il était poursuivi, David Pecker pourrait alors connaître le même sort que Michael Cohen, l’ancien avocat de Trump, condamné à trois ans de prison pour avoir notamment payé 280   000 dollars à des femmes qui menaçaient de dévoiler, en pleine campagne présidentielle, leur liaison présumée avec Trump.