Le nouveau président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a entamé mardi une tournée en Angola, au Kenya et au Congo-Brazzaville. Contesté dans son pays, le successeur de Joseph Kabila est en quête de soutiens à l'étranger.
La recette a déjà fait ses preuves : si, en tant que chef d’État, vous êtes en difficulté dans votre propre pays, allez trouver réconfort à l’étranger. C’est la méthode choisie par le nouveau président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, qui a entamé en Angola, mardi 5 février, une tournée régionale qui doit également le mener au Kenya et au Congo-Brazzaville.
La victoire du successeur de Joseph Kabila, confirmée par la Cour constitutionnelle le 20 janvier, est toujours contestée par Martin Fayulu, arrivé deuxième de l’élection présidentielle. Ce dernier revendique la victoire et dénonce un "putsch" électoral de l’ancien président avec la complicité du vainqueur.
En manque de légitimité, Félix Tshisekedi cherche donc à affirmer son statut en rencontrant ses homologues voisins. Le soutien d’Uhuru Kenyatta est déjà acquis : le président kényan était le seul chef d’État présent à sa cérémonie de passation de pouvoir et d’investiture, le 24 janvier, à Kinshasa. Il s’est dit "enchanté", mercredi sur Twitter, de recevoir son homologue congolais afin de "renforcer les liens entre [leurs] deux pays".
I am delighted to have received the President of the Democratic Republic of the Congo, H.E. Felix Tshisekedi, at State House, Nairobi. President Tshisekedi's visit is aimed at strengthening ties between our two countries. pic.twitter.com/VATG64gohe
Uhuru Kenyatta (@UKenyatta) February 6, 2019En revanche, Joao Lourenço (Angola) et Denis Sassou-Nguesso (Congo-Brazzaville) ont pris leur temps pour féliciter Félix Tshisekedi. Leur appui ne s’obtiendra pas naturellement.
"Vu ce qu’il s’est passé du côté de l’Union africaine (UA), il vaut mieux qu’il assure ses arrières, donc il fait bien de se rendre en Angola et au Congo-Brazzaville", souligne Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’Ifri, spécialiste de la région, contacté par France 24.
Présidée par le président rwandais Paul Kagamé, l’UA a en effet publié un communiqué, le 17 janvier, demandant la "suspension de la proclamation des résultats définitifs des élections" en RD Congo en raison des "doutes sérieux sur la conformité des résultats provisoires".
Un coup dur pour Félix Tshisekedi, qui venait s’ajouter à la demande de recomptage des voix exprimée par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), qui rassemble seize pays du sud et de l’est du continent.
"Expliquer qu'il y aura une certaine continuité avec le système Kabila"
"Le président angolais João Lourenço était parmi ceux qui, comme l’Union africaine et comme la SADC, ont demandé un recomptage. C’est seulement après la déclaration du Tribunal constitutionnel déclarant la validité du processus électoral que l’Angola s’est rangé au compromis autour de l’élection de Tshisekedi", rappelle Didier Péclard, maître d’enseignement et de recherches au Global Studies Institute et spécialiste de l’Afrique subsaharienne, interrogé par RFI.
À Luanda, mardi, Félix Tshisekedi a donc défendu la légalité de sa victoire et vanté "l’alternance pacifique" dans son pays. Il a ainsi confirmé qu’il était prêt à partager le pouvoir avec le camp de son prédécesseur, qui a gardé la majorité des sièges à l’Assemblée nationale.
Et pour écarter le moindre soupçon d’une mésentente, plusieurs ministres de Joseph Kabila, dont l’ancien ministre des Affaires étrangères Léonard She Okitundu, font partie de la délégation de 27 personnes qui accompagne Félix Tshisekedi dans cette tournée régionale.
"On voit bien qu’ils ne sont pas partis et que le système Kabila est toujours en place au niveau gouvernemental, affirme Thierry Vircoulon. Cela permet au nouveau président d’expliquer qu’il y aura une certaine continuité et que le schéma politique est en place."
#RDC
Visite officielle du Président de la République S.E. Félix-A. Tshisekedi Tshilombo en Angola.
3. Le tête-à-tête Félix-A. Tshisekedi - Joâo Lorenço au Palais présidentiel de Luanda.
mardi 5 février 2019. pic.twitter.com/2CZkjV323X
"Il n'y a pas d'accord encore en ce moment, mais il y a des discussions (...). J'ai entrepris d'envoyer un message d'apaisement à M. Joseph Kabila et ses amis", a assuré Félix Tshisekedi en Angola, démentant toute volonté de "chasse aux sorcières". "Nous allons gouverner le pays ensemble et pour cela, nous allons nous mettre d'accord sur un programme déterminé", a-t-il poursuivi.
Enfin, le président congolais "a tout intérêt à se tourner vers ses voisins de l'Ouest pour faire contrepoids avec ses voisins de l'Est, le Rwanda et l’Ouganda, impliqués dans les crises répétées dans l’est de la RD Congo", analyse Didier Péclard sur RFI.
D’où une visite chez son voisin direct, le Congo-Brazzaville. "C’est le pays voisin le plus proche et aussi celui qui est le plus investi à Kinshasa. Or, les remous politiques en RD Congo ont toujours des répercussions à Brazzaville. Il y avait donc des craintes côté Sassou-Nguesso", juge Thierry Vircoulon.
Avec AFP