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Charlie Adlard : "Walking Dead n'est pas une histoire de morts-vivants"

Il dessine les anti-héros de la bande-dessinée "Walking Dead", adaptée à la TV. En France, pour le festival de la BD d’Angoulême, l’artiste britannique Charlie Adlard nous raconte son travail, son rapport à la série et son approche des zombies.

Donner vie aux personnages, morts ou vivants, de l’univers "Walking Dead", le dessinateur britannique Charlie Adlard, en a fait son quotidien depuis 15   ans. Dans son studio de Shrewsbury en Angleterre, il esquisse les personnages tout droit sortis de l’imagination du scénariste américain Robert Kirkman   : Rick, Michonne, Negan, et les autres. Et il a l’impression de les connaître à la perfection. "Après tout, je vis avec eux tous les jours depuis tant d'années, explique-t-il à France   24. Avant de les dessiner, je dois me mettre à leur place et imaginer leurs émotions, leur comportement... et je sais exactement comment ils vont réagir".

Quand le premier numéro de "Walking Dead" paraît en   2003, un autre dessinateur est aux commandes, l’Américain Tony Moore. Mais six numéros plus tard, il abandonne le projet et Charlie Adlard prend la relève. Les deux artistes ont des styles radicalement différents, mais les lecteurs restent fidèles et les ventes explosent. "Je ne suis pas assez arrogant pour penser que le succès est arrivé grâce à moi, explique Charlie Adlard. Les ventes ne pouvaient qu’augmenter, parce que les gens aiment cette histoire". Le scénario a dépassé les attentes du dessinateur. "Je n’étais pas fan de zombies à l’origine. Mais 'Walking Dead' n’est finalement pas une histoire de morts-vivants. C’est un drame avant tout, je dirais 20   % d’horreur, 80   % d’interactions humaines."

"Je vous ai donné la vie !"

Une adaptation télévisée suit en 2010, produite par la chaîne américaine AMC, et le succès est retentissant. La série suit librement le scénario de la BD. Si certains personnages n’existent pas dans l’ouvrage, la plupart des héros incarnés à l’écran sont fidèles aux illustrations. Le personnage-clé de Michonne en est l’exemple parfait   : une femme qui a tout perdu, survivant seule dans des conditions hostiles, maniant le sabre et le combat à la perfection. "La première fois que j’ai vu l’actrice Danai Gurira dans le costume de Michonne, avec la perruque et le sabre, j’avais envie de lui dire, ‘C’est moi qui vous ai donné la vie   !’ Évidemment je me suis retenu", plaisante Charlie Adlard. "C’est le premier personnage que j’ai imaginé après le départ de Tony Moore. Voir mes dessins sortir des pages, ça m’a vraiment marqué".

Certaines scènes de la série sont religieusement calquées sur les planches, et l’équipe technique l’assume. "Je ne dessine pas en pensant à l’adaptation TV, assure l’artiste. Mais c’est vrai que mon travail est assez filmique. Mes planches ressemblent beaucoup à des storyboards".

La BD avant la télé

Un phénomène de la pop-culture est né depuis l’apparition de la série TV, avec un record d’audimat aux États-Unis, des jeux vidéo, des produits dérivés... Le Britannique aurait pu poser ses valises outre-Atlantique pour devenir consultant, comme le scénariste, également producteur pour la télévision. Mais cette perspective ne l’a guère enchanté. "Je vis en Grande-Bretagne et je ne voulais pas laisser ma famille. Et surtout, les artistes BD ont peu de temps à consacrer à d’autres projets. Donc si j’ai la chance d’avoir des opportunités pendant mon temps libre, je choisis des projets qui ne sont pas liés à la série TV. Je préfère me consacrer à mon premier amour, la bande-dessinée".

Souvent, les fans de la série télévisée n’ont pas entendu parler de la bande-dessinée. "C’est toujours étrange quand je me présente aux gens et qu’ils me répondent, ‘Oh, vous adaptez la série en bande-dessinée   ?‘, soupire Charlie Adlard. Quand votre travail est adapté au cinéma ou à la télévision, surtout avec un tel succès, ce sont les acteurs qui ont toute l’attention. Ils peuvent parler de leurs personnages, mais c’est bien le scénariste Robert Kirkman et moi-même qui pouvons vous expliquer le projet en détail".

"The Walking Dead" saison 9 (Robert Kirkman - AMC)

Une fin déjà écrite

Plus de quinze ans après le premier numéro de la BD "Walking Dead", comment continuer à passionner les fans   ? "La clé, c’est l’espoir. Les aventures peuvent être très sombres, et ça ne me dérange pas, mais il faut une lumière au bout du tunnel. Même les plus grands méchants peuvent se repentir. L’écriture du scénariste pour les derniers numéros a été très intelligente". Le duo connaît déjà la fin de l’histoire, mais veut attendre le bon moment pour la raconter. "Nous avons un dénouement en tête depuis des années. Nous le livrerons quand nous serons prêts, et quand l’histoire l’imposera. Ce sera peut-être demain ou dans 10   ans, mais je serai toujours là pour le dessiner   !"