
Les Kurdes estiment que le retrait américain de Syrie pourrait les obliger à renoncer à combattre l’EI. Ils craignent également de ne plus être en mesure d'assumer la surveillance des jihadistes détenus et souhaitent le soutien de Paris.
Le retrait américain de Syrie pourrait contraindre la coalition arabo-kurde à renoncer à combattre l'organisation de l'État islamique (EI) et entraîner indirectement la libération de centaines de jihadistes étrangers, notamment européens, qu'elle détient, a mis en garde vendredi 21 décembre à Paris une responsable kurde.
"Combattre le terrorisme sera difficile parce que nos forces seront obligées de se retirer des lignes de front [dans la province] de Deir Ezzor [dernier bastion de l'EI, NDLR], pour prendre position sur la frontière avec la Turquie pour contrer toute éventuelle attaque", a déclaré Ilham Ahmad, une des responsables de l'appareil politique de la coalition, présente à Paris pour discuter avec le gouvernement français de la nouvelle donne provoquée par l'annonce du retrait américain de Syrie.
Syrie : les Kurdes seuls face à l'EI
Le président américain Donald Trump avait annoncé mercredi qu'il allait ordonner le retrait des quelques 2 000 militaires américains déployés en Syrie et combattant aux côtés de la coalition arabo-kurde. Cette décision change complètement la donne en Syrie et transforme les équilibres entre les différents belligérants de ce pays en guerre.
Les Kurdes, craignant une offensive de leurs ennemis turcs, agitent aussi la menace de la libération de centaines de jihadistes étrangers qu'ils détiennent actuellement pour faire pression sur les Occidentaux afin qu'ils ne les lâchent pas. "Nous craignons de ne plus maîtriser la situation et qu'il soit difficile pour nous de les garder dans une localité déterminée" en cas d'offensive turque, a souligné Ilham Ahmad.
"Faire pression sur la Turquie pour qu'elle arrête ses menaces"
Des responsables kurdes de la coalition ont été reçus au palais présidentiel par des conseillers de l'Élysée pour discuter de la situation.
"Nous demandons aux Français un soutien diplomatique", a souligné Ilham Ahmad, estimant que les autorités françaises "peuvent faire pression sur la Turquie pour qu'elle arrête ses menaces". "Nous avons demandé aussi que les forces [françaises] assument leur tâche dans la région jusqu'à ce qu'une solution politique soit trouvée", a-t-elle ajouté.

"La présence américaine était le pare-feu des Kurdes vis-à-vis des Turcs", explique James André, chroniqueur international à France 24. "Les Américains sont à la fois les alliés des Turcs et des Kurdes : si on enlève les Américains sur le terrain, cela veut dire qu’une attaque turque est possible", poursuit-il.
Jeudi, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a promis d'éliminer les jihadistes et les milices kurdes du nord de la Syrie. Saluant "avec une certaine prudence" l'annonce du retrait américain, il a assuré lors d'un discours à Istanbul que son pays tâcherait "d'éliminer les YPG [miliciens kurdes] et les résidus de Daech [acronyme arabe de l'EI]" dans le nord de la Syrie.
Il a toutefois affirmé qu'il avait décidé, à la lumière de la décision américaine et d'un entretien téléphonique le 14 décembre avec Donald Trump, de surseoir dans l'immédiat à l'offensive qu'il prévoyait de lancer dans le nord de la Syrie contre les YPG, une milice kurde considérée comme terroriste par Ankara mais alliée de Washington dans la lutte contre l'EI.
Avec AFP et Reuters