
CH-Auto compte devenir la première marque automobile chinoise à se lancer aux États-Unis. Elle espère y arriver d’ici 2020, en misant sur les voitures électriques, l’une des priorités du plan "made in China 2025" de Pékin.
CH-Auto veut faire ce qu’aucun constructeur automobile chinois n’a jamais fait. La marque a annoncé, la semaine dernière, le lancement de son modèle, la Qiantu K50, aux États-Unis. Les groupes chinois n’avaient, jusqu’à présent, jamais osé s’attaquer frontalement à ce marché stratégique dominé par les grosses écuries américaines General Motors, Ford ou Chrysler. Au mieux, certains constructeurs avaient conçu des modèles pour des géants américains, comme la Buick Envision de General Motors, qui est conçu par le Chinois SAIC.
Mais Lu Qun, le patron de CH-Auto, pense que le temps est venu pour les voitures chinoises d’aller à la conquête de l’ouest en leur propre nom. Mais pas n’importe lesquelles : elles doivent être électriques. La Qiantu K50, qu’il compte commercialiser à partir de 2020 aux États-Unis, appartient à cette gamme, et son allure n’est pas sans rappeler les modèles de sport de l’Américain Tesla.
Une priorité pour Pékin
La “révolution” de la voiture électrique présente deux avantages pour un constructeur chinois aux ambitions mondiales, comme Lu Qun. Le secteur n’est pas encore aussi encombré que celui des automobiles traditionnelles. Comme le marché n’en est encore qu’à ses débuts, “le fossé technologique est bien moins important, ce qui laisse une chance à des marques moins connues de se faire une place”, assure au New York Times Bill Russo, un ancien responsable de Chrysler devenu consultant automobile pour le cabinet de conseil chinois Gao Fang Advisory.
Pour l’instant, aux États-Unis, il y a Tesla et les autres. Le Model 3 a été de très loin la voiture électrique la plus populaire en 2018, d’après les données compilées par Indeevs, le principal site américain consacré aux voitures électriques. Certes, Toyota, Chevrolet ou encore BMW disposent également déjà de modèles 100 % électrique, mais Lu Qun estime disposer d’un avantage décisif sur eux. “Ce sont des constructeurs traditionnels, prisonniers de leurs vieux modèles, alors que nous pouvons apporter un regard neuf sur ce que doit être la voiture de demain”, explique-t-il au New York Times, sans pour autant préciser ce que la Qiantu K50 a de novateur.
En fait, le véritable atout dans la manche de CH-Auto est l’appui probable du régime chinois. La voiture électrique fait, en effet, partie des priorités du plan stratégique ”Made in China 2025”, qui consiste à transformer le pays en leader mondial de l’innovation technologique. Lu Qun peut, de ce fait, espérer recevoir le soutien des banques chinoises pour financer son expansion à l’international, souligne le site économique américain Quartz. Un accès facilité au crédit qui devrait lui permettre d’être plus à l’aise pour espérer concurrencer des constructeurs qui peuvent, financièrement, s’appuyer sur les ventes de leurs automobiles traditionnelles.
Contexte commercial difficile
Mais la success story de la Qiantu K50 n’est pas écrite d’avance. La voiture n’est disponible que depuis quelques mois en Chine, et il est encore trop tôt pour dire si elle a réussi à impressionner les consommateurs locaux. Nul doute, pourtant, qu’elle devra d’abord faire ses preuves au niveau national avant que Pékin décide de lui donner le coup de pouce nécessaire pour tenter de se faire une place aux États-Unis, estime Quartz.
Lu Qun va aussi devoir faire des efforts sur le prix. Sa voiture électrique est vendue en Chine pour l’équivalent de 110 000 dollars, alors que son concurrent direct, la Tesla Model 3, vaut un peu plus de 53 000 dollars. CH-Auto n’a pas encore précisé combien coûterait sa K50 aux États-Unis, mais devrait lever le suspens bientôt, puisque la marque compte accepter les pré-commandes dès 2019.
Enfin, les ambitions américaines de CH-Auto risquent de se heurter au protectionnisme du président américain Donald Trump. Le conflit commercial sino-américain est loin d’être résolu, et l’administration américaine risque de voir d’un mauvais œil une marque chinoise qui essaie de se faire une place sur le sol américain au détriment de groupes aussi iconiques que General Motors ou Ford.
Sur ce dernier point, Lu Qun pense cependant déjà avoir trouvé la parade. Sa Qiantu K50 va être entièrement assemblée pour le marché américain par Mullen Technologies, une start-up californienne spécialiste des voitures électriques. C'est un changement de raison d'être pour le groupe chinois. En effet, avant de se lancer dans les voitures électriques, CH-Auto était essentiellement connu pour fabriquer des modèles de marques étrangères pour le marché chinois ; maintenant, c'est l'inverse qui se prépare.