Lancée le 3 décembre, la mobilisation lycéenne contre Parcoursup et la réforme du baccalauréat, notamment, entame sa deuxième semaine, galvanisée par les images choquantes de Mantes-la-Jolie et avec l'espoir de converger avec les Gilets jaunes.
Les images de l’interpellation de 151 jeunes à Mantes-la-Jolie, le 6 décembre, sont encore dans toutes les têtes. Galvanisés par la répression dont ils font l’objet, les lycéens mobilisés contre plusieurs réformes du gouvernement, comme Parcoursup (la procédure qui donne accès aux études supérieures), la réforme du bac ou la mise en place du service national universel (SNU), appellent à une nouvelle journée de manifestations, mardi 11 décembre.
Le syndicat UNL-SD a promis un "mardi noir" dans tous les lycées. Déjà, la veille, plus d’une centaine d’établissements ont été touchés par le mouvement, dont une quarantaine bloqués, dans toute la France. Et sur les réseaux sociaux, les témoignages de lycéens accompagnés des hashtags #RevancheLycéenne4, #AvenirLycéen et #StopViolences se multiplient.
"Nous poursuivrons le mouvement tant que nos demandes n’auront pas été satisfaites, affirme Jules Spector, secrétaire général du syndicat lycéen Fidl, contacté par France 24. Pour le moment, le gouvernement n’a fait aucun pas vers nous. Au contraire, on voit bien qu’ils comptent sur les prochaines vacances scolaires pour ralentir notre mouvement."
Les représentants des lycéens (UNL, SGL, Fidl) ont été reçus le 7 décembre au ministère de l’Éducation nationale, mais sans le ministre, Jean-Michel Blanquer. La conversation a tourné au dialogue de sourds, selon Jules Spector, qui se rendra tout de même au deuxième rendez-vous prévu cette semaine.
Les lycéens demandent l’abrogation de la procédure d’admission à l’enseignement supérieur Parcoursup, jugeant que celle-ci ne permet pas un accès équitable à l’université. Ils réclament également l’arrêt de la mise en place de la réforme du bac, accusée de désavantager les lycées des campagnes qui ne pourront pas proposer autant d’options que les lycées des villes.
Des étudiants se sont désormais joints au mouvement. Ils dénoncent la future hausse des frais de scolarité des étudiants étrangers n’appartenant pas à l’Union européenne. À Paris, les sites de Tolbiac et de la Sorbonne ont été fermés par mesure de sécurité. À l'université de Paris-Nanterre, les étudiants ont été empêchés d'entrer : la quasi-totalité des bâtiments du campus ont été bloqués à l'aide de chaises, tables, barrières. Les bâtiments de l'université de Rennes 2 (arts, lettres, sciences humaines et sociales) ont eux aussi été bloqués par des manifestants, et les cours suspendus.
"Les lycéens dans la rue sont les enfants des Gilets jaunes"
"La hausse des frais pour les étrangers est l'étincelle qui a déclenché le mouvement", a déclaré à l'AFP Barthélémy Piron, étudiant en histoire et syndiqué à l'Unef. Les étudiants souhaitent en outre se joindre au mouvement des lycéens et des Gilets jaunes et à "la colère sociale qui monte" en France, a-t-il assuré.
C’est justement cet effet "convergence des luttes" que craint le gouvernement et qui est à l’origine du succès de la mobilisation actuelle des lycéens.
"Les Gilets jaunes ont en partie permis au mouvement des lycéens de s’installer", juge Robi Morder, président du Groupe d’études et de recherche sur les mouvements étudiants (Germe), co-auteur de "Quand les lycéens prenaient la parole" (Syllepse, 2018), contacté par France 24. "Car derrière les revendications sur Parcoursup ou la réforme du bac, leur mécontentement exprime quelque chose de plus profond, en particulier la question de l’emploi, la peur de l’avenir. En cela, Jean-Michel Blanquer se trompe quand il dit qu’il n’y a rien de commun entre les lycéens et les Gilets jaunes. Il ne comprend pas que les lycéens dans la rue sont les enfants des Gilets jaunes."
En une semaine, nous avons construit une mobilisation que personne ne nous pensait capable de créer.
Le gouvernement cède a la peur et à la violence : nous ne cédons pas sur nos revendications.
Lundi —> Soutenons les Mantes-la-Jolie
Mardi —> Partons pour la #RevancheLycéenne4 ! pic.twitter.com/Vtu2dVxPR0
Selon Robi Morder, le profil sociologique est en effet similaire. Dans les deux cas, les manifestants sont issus de petites villes, de territoires "oubliés", et sont confrontés à la précarité et à la disparition des services publics.
Pour autant, la jonction entre Gilets jaunes et lycéens ne s’est pas opérée au niveau national. "En province, les jonctions se font beaucoup, on passe d’un rassemblement à l’autre, mais moins sur les manifestations à Paris, souligne Robi Morder. Cela s’explique notamment parce qu’il n’y a pas, contrairement aux lycéens, d’organisation nationale des Gilets jaunes."
Reste que l’espoir d’un grand mouvement social et d’un blocage généralisé du pays occupe l’esprit des lycéens mobilisés. "Les Gilets jaunes nous ont permis de relancer un mouvement social qui, pour différentes raisons, n’avait pas pris assez d’ampleur au printemps, reconnaît Jules Spector. Même si nos revendications ne sont pas les mêmes, il y a tout de même des similitudes et on espère pouvoir faire converger nos luttes."