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Le PDG de Nissan, Hiroto Saikawa, s’est montré très agressif vis-à-vis de Carlos Ghosn, le patron de l'alliance Renault-Nissan suspecté de fraude fiscale au Japon. Le Japonais faisait pourtant figure de fidèle de l’homme d’affaires franco-libanais.

“Tu quoque mi fili" (Toi aussi, mon fils). C’est peut-être ce que le patron de l’alliance Renault-Nissan, Carlos Ghosn, a pensé en écoutant les déclarations de son ex-protégé, Hiroto Saikawa lors d’une conférence de presse, lundi 19 novembre, à Yokohama. Le PDG japonais de Nissan a accablé son ancien mentor en évoquant le “côté obscur” de Carlos Ghosn, en dénonçant son comportement “intolérable” et en critiquant son règne “trop long”. Devenu la figure publique de la rébellion de Nissan contre le grand patron, Hiroto Saikawa a ainsi rapidement gagné le surnom de “Brutus” en France.

Jusqu’à l’arrestation lundi de Carlos Ghosn, accusé de fraude fiscale au Japon, Hiroto Saikawa faisait figure d’homme de confiance du patron libano-brésiliano-français, présenté comme son alter ego japonais.

Le bras droit du “cost-killer”

Hiroto Saikawa est propulsé sur le devant de la scène de Nissan en 2013, lors de sa nomination en tant que vice-président du constructeur automobile japonais. Une promotion perçue, à l’époque, comme une manière pour Carlos Ghosn de placer l’un de ses plus fidèles lieutenants au détriment d’un autre cadre de Nissan, Toshiyuki Shiga, dont les ambitions de devenir chef à la place du chef devenaient de plus en plus flagrantes.

Ce n’est pas seulement la loyauté présumée d’Hiroto Saikawa qui lui avait valu cette promotion. Le Japonais a été aux premières loges du redressement de Nissan depuis l’arrivée de Carlos Ghosn aux manettes du groupe, en 1999. Les deux hommes ont mené à bien, ensemble, le volet le plus douloureux, sur le plan social, du sauvetage de la marque nippone, qui a valu à Carlos Ghosn sa réputation de “cost-killer” sur l’archipel. Le Japonais a supervisé, au début des années 2000, le grand nettoyage parmi les fournisseurs historiques de Nissan, afin d’instaurer une culture d’appels d’offres qui a permis d’effectuer d’importantes économies. Un grand nombre de sous-traitants, habitués à traiter avec le constructeur sans jamais être mis en concurrence, se sont alors retrouvés sur la touche et ont enregistré d’importantes pertes.

Hiroto Saikawa présentait un autre avantage aux yeux de Carlos Ghosn : il connaissait les marchés importants aux yeux du patron franco-brésilien. Il a dirigé Nissan-Europe et s’est aussi occupé de l’expansion du groupe aux États-Unis, un territoire jugé crucial pour le futur de Nissan, rappelle Les Échos.

Le désaccord sur une fusion Nissan-Renault

Lorsque Carlos Ghosn décide, en 2017, de quitter le poste de PDG de Nissan pour se concentrer sur le redressement de Renault et le développement de Mitsubishi, il se tourne tout naturellement vers Hiroto Saikawa pour lui proposer le poste. “Il a vécu avec moi tout le processus de transformation de Nissan. Je lui fais entièrement confiance. Il pense ce que je pense”, déclare-t-il à l’époque pour expliquer son choix.

Il y a pourtant un point sur lequel des désaccords entre les deux hommes vont rapidement voir le jour : la possibilité d’une fusion entre les deux entités de l’alliance. Une perspective qui plaît à la France, puisque Carlos Ghosn, l’homme de Renault, prendrait la tête du groupe consolidé. Mais au Japon, l’idée hérisse. Elle dérange d’un point de vue économique, puisque Nissan pèse presque trois fois plus que Renault avec un chiffre d’affaires de 92 milliards d’euros, contre 33 milliards d’euros pour la marque française. Surtout, elle heurte le sentiment patriotique des Japonais qui supportent mal l’idée qu’un groupe étranger puisse prendre le contrôle de l’un de leurs fleurons historiques. Hiroto Saikawa se fait l’avocat de la position japonaise déclarant, en mai 2018, qu’une fusion n’était pas d’actualité.

Une sortie que la direction de Renault – tout à son discours sur la proximité d’esprit entre les deux dirigeants – avait minimisée. Mais elle révélait une autre réalité qui a éclaté au grand jour avec les ennuis judiciaires de Carlos Ghosn : si Hiroto Saikawa était un fidèle lieutenant du PDG de l’alliance franco-japonaise, il était avant tout un loyal salarié de Nissan. Ce sexagénaire a intégré le groupe en 1977 et a ainsi passé plus de quarante ans à servir le même employeur. En France, ses critiques contre Carlos Ghosn lui valent peut-être une peu flatteuse comparaison avec "Brutus", mais pour les Japonais, il a surtout démontré sa loyauté envers un groupe à qui il doit toute sa carrière.