Après avoir passé huit ans dans les couloirs de la mort pour blasphème, la Pakistanaise chrétienne Asia Bibi a été libérée mercredi, mais se trouvait toujours dans son pays jeudi, selon le ministère des Affaires étrangères.
La Pakistanaise Asia Bibi, libérée de prison dans la nuit de mercredi à jeudi après son acquittement par la Cour suprême, se trouve désormais dans un "endroit sûr", mais toujours dans le pays, selon un porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Pakistan, Muhammad Faisal.
"#AsiaBibi a quitté la prison et a été transférée dans un endroit sûr ! Je remercie les autorités pakistanaises", avait auparavant tweeté le président du Parlement européen, Antonio Tajani, ajoutant l'attendre "dès que possible avec son mari et sa famille" à Bruxelles.
La vie d’Asia Bibi, condamnée à mort pour blasphème en 2010 et acquittée la semaine dernière, est considérée comme en grave danger dans le pays du fait des extrémistes islamistes qui rejettent le verdict de la Cour suprême.
Sa famille a sollicité ces derniers jours l'aide de plusieurs pays occidentaux pour les accueillir. Son sort a suscité une grande mobilisation dans ces pays ces dernières années.
L'annonce de sa libération a d'ores et déjà provoqué la fureur des milieux islamistes radicaux qui appellent de longue date à son exécution. Quelque 10 000 protestataires ont défilé jeudi à Karachi, la grande ville du sud du Pakistan, criant des slogans comme "Pendez Asia". "Nous pouvons sacrifier nos vies mais nous ne ferons jamais de compromis sur l'honneur du prophète", a lancé un orateur à la tribune. D'autres manifestations pourraient suivre vendredi.
Bras de fer entre le gouvernement et les extrémistes
Le Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), un parti religieux connu pour sa ligne particulièrement dure en matière de blasphème, a indiqué qu'il suivait de très près la situation même s'il n'appelait pas ses partisans à la mobilisation dans l'immédiat.
Le TLP est au cœur de la vague de protestation qui a suivi l'acquittement d’Asia Bibi, paralysant le pays pendant trois jours la semaine dernière et poussant le gouvernement à signer un accord controversé avec ses chefs de file. L'exécutif s'était ainsi engagé à lancer une procédure visant à interdire à Asia Bibi de quitter le territoire et à ne pas s'opposer à un recours contre le verdict déposé par un religieux.
"Je vais dire à tous ceux qui aiment le prophète qu'ils doivent rester en alerte. Si la promesse n'est pas tenue et qu'(Asia Bibi) est envoyée à l'étranger, alors si Allah le veut, un mouvement commencera qui sera décisif", a mis en garde jeudi l'un de ses chefs de file, Pir Muhammad Afzal Qadri dans une vidéo, laissant entendre que ses membres pourraient redescendre dans la rue.
Le compromis passé avec le TLP a valu au gouvernement de vives accusations de "reddition" face aux extrémistes. De nombreux observateurs ont comparé l'épisode à un autre bras-de-fer sur le blasphème en novembre 2017 entre le même parti et le gouvernement précédent, qui s'était soldé par la démission forcée d'un ministre et par plusieurs morts lors d'affrontements de manifestants avec la police.
"Pas une seule goutte de sang n'a été versée pendant ces trois jours et le sit-in s'est achevé par des négociations pacifiques", a justifié jeudi devant le Parlement le secrétaire d'État à l'Intérieur, Shehryar Khan Afridi.
Demandes d’asile envoyées par le mari
Le mari d'Asia Bibi a réclamé le 3 novembre l'asile pour sa famille aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou au Canada, arguant d'un trop grand danger s'ils restaient au Pakistan. "Je demande au président Donald Trump de nous aider à partir. Après cela, je demande à la Première ministre britannique (Theresa May) de faire de son mieux pour nous aider", a déclaré Ashiq Masih dans un message vidéo. Ce dernier a également sollicité l'"aide" du Premier ministre canadien, Justin Trudeau.
Mercredi, une autre vidéo d’Ashiq Masih a été mise en ligne par l'association italienne catholique Aiuto alla chiesa che soffre (Aide à l'Église qui souffre), dans laquelle il appelle le gouvernement italien à l'aide pour les faire sortir du Pakistan, où les conditions de vie deviennent selon lui très difficiles. Après ce message, le ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini, a tweeté qu'il ferait "tout ce qu'il est humainement possible pour garantir un avenir à cette femme".
La France "étudie" de son côté sous quelle forme elle pourrait l'aider ou l'accueillir "avec (ses) partenaires européens et internationaux", a déclaré la secrétaire d'État en charge de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa.
Avec AFP