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Les dirigeants des deux Corées ont mis en scène jeudi une excursion au mont Paektu. Le plus haut sommet de la région est un concentré de mythologie, exploité par la propagande nord-coréenne pour fonder la légitimité de la dynastie Kim.
Après les négociations sur le nucléaire, la promenade en montagne. Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a invité le président sud-coréen Moon Jae-in à une excursion au mont Paektu pour clore, jeudi 20 septembre, une visite de trois jours à Pyongyang de l'homme fort de Séoul. C'est peut-être un détail pour la plupart des observateurs, mais pour les Coréens, ça veut dire beaucoup.
Car le mont Paektu, du haut de ses 2 744 mètres, n’est pas seulement le point culminant de la péninsule coréenne. Ce volcan en sommeil, situé dans le nord du pays, à la frontière avec la Chine, est aussi un concentré de mythologie et de symboles, exploité à outrance par la propagande nord-coréenne pour fonder la légitimité de la dynastie Kim. À tel point que les membres de la famille dirigeante sont officiellement désignés comme descendants de la "lignée du mont Paektu".
"Terre sacrée"
Tout commence avec Kim Il-song, le père fondateur de la République démocratique populaire de Corée. Selon l’histoire officielle nord-coréenne, il aurait mené la guérilla contre les forces japonaises d’occupation durant la Seconde Guerre mondiale depuis une base secrète sur le mont Paektu. Sans ce refuge montagnard, la péninsule coréenne serait ainsi probablement encore japonaise, affirme Pyongyang. La propagande a ensuite fait du volcan le lieu de naissance de Kim Jong-il, fils de Kim Il-song, alors que la plupart des historiens occidentaux s’accordent à dire qu’il a vu le jour dans un camp de réfugiés en ex-URSS. À partir de ce moment, le mont Paektu est intégré à l’imagerie officielle du régime. C’est aussi à cette époque que les autorités commencent à y aménager un immense réseau de galeries souterraines, avec des usines, des hangars et même des bases navales.
Reste Kim Jong-un qui n’avait, quant à lui, aucun lien direct avec la célèbre montagne. Une tache sur son CV que le jeune dictateur a effacée en réalisant plusieurs "pèlerinages" au sommet du volcan. En 2015, le régime a organisé une grande offensive médiatique pour souligner l’importance de ces ascensions. La chanson "Nous irons au mont Paektu" rend hommage à l’attachement de Kim Jong-un à cette "terre sacrée", tandis que de nombreuses photos ont immortalisé le dirigeant, droit dans ses chaussures en cuir parfaitement cirées, à l’arrivée de son ascension de 2015. Sous Kim Jong-un, la Corée du Nord est aussi soupçonnée d’avoir dissimulé un site de tests de bombes atomiques sous la montagne, au risque de réveiller un volcan qui, en 946, avait connu la quatrième plus importante éruption de l’histoire de l’humanité.
L'héritage de la première dynastie coréenne
Ce lien avec le mont Paektu est d’autant plus important pour la famille Kim qu’il permet de créer l’illusion d’une continuité avec des figures légendaires de l’histoire coréenne. Ce volcan aurait abrité, il y a plus de 2300 ans, la "cité céleste" où serait né Tangun, le fondateur de la première dynastie coréenne. Un personnage central de la culture populaire, qui symbolise l’émergence d’un sentiment d’unité du peuple coréen.
Il n’est pas étonnant que les dirigeants nord-coréens, très attachés à l’idée de réunir les deux pays voisins sous leur autorité, tiennent à cultiver le parallèle avec un tel mythe fondateur. Ainsi en 1994, Kim Jong-il avait dépensé plusieurs millions de dollars pour ériger un monument à la gloire de Tangun sur le mont Paektu (où se trouve déjà sa tombe présumée), alors même que le pays avait sombré dans la famine.
Nul doute que les deux présidents ont eu à l’esprit le mythe de Tanjun et de l’unité des Corées lorsqu’ils ont gravi ensemble le volcan. Cette visite symbolique a mis un point final à trois jours de négociations durant lesquels il a souvent été question de normalisation des relations entre deux pays, officiellement, toujours en guerre.