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Regain de violences et soupçons de fraude à la veille de la présidentielle

À la veille de la deuxième élection présidentielle depuis la chute des Taliban en 2001, l’Afghanistan connaît un regain de tensions marqué, ce mercredi matin, par le spectaculaire braquage d'une banque à Kaboul.

Un homme acceptant de l’argent pour un bulletin de vote, un autre pointant une arme à feu sur un électeur, un vieillard muni de plusieurs cartes électorales… Publiée sur la dernière page d’un journal afghan, l’annonce financée par la Commission électorale a pour but de combattre les trois principaux fléaux qui risquent de compromettre la bonne tenue des scrutins présidentielle et régionaux de jeudi.

Le message est clair et destiné, avant tout, aux analphabètes : ne pas vendre son vote, ne pas se laisser intimider et n’utiliser qu’une seule carte électorale… Cette initiative des autorités afghanes est loin d’être vaine. Pour les consultations de ce 20 août, le nombre d’Afghans inscrits sur les listes électorales est invraisemblablement élevé. Dans certaines circonscriptions conservatrices de la ceinture pachtoune, par exemple, le nombre de femmes figurant sur les registres dépasse largement la réalité démographique de la région.

Un bulletin de vote pour Britney Spears

En Afghanistan, rien de plus facile que de se procurer des cartes électorales. Tous les bazars du pays en proposent. Les prix sont variables, mais c’est à Kaboul qu’elles sont les plus chères. Jusqu’à 10 dollars l’unité. Et les contrôles sont tellement superficiels qu’un électeur intrépide a même réussi à se procurer une carte avec une photo d’identité de la star américaine… Britney Spears.

De fait, la commission électorale a distribué 17 millions de cartes mais les analystes estiment que le nombre réel de votants se situe entre 13 et 15 millions. Quoiqu’il en soit, pour quiconque connaît l’Afghanistan, la tenue d’une présidentielle - la deuxième depuis la chute des Taliban en 2001 - témoigne d’une véritable avancée démocratique.

Malgré les importants dispositifs de sécurité mis en place à Kaboul, une banque de la capitale a été la cible, ce mercredi matin, d’une spectaculaire attaque talibane. Les trois assaillants ont été tués par la police.

Ailleurs dans le pays, et plus particulièrement dans les régions agitées du Sud-Est, l’insécurité est telle que, de l’aveu même des autorités, 12 % des bureaux de vote répartis dans les 364 circonscriptions du pays, n’ouvriront pas le jour de l’élection. Huit d’entre elles échappent même au contrôle de l’État.

Craintes de pressions de l’État

Pour Thomas Ruttig, diplomate onusien et codirecteur du Réseau d’analystes pour l’Afghanistan, le regain de violences enregistré ces derniers jours permettra surtout de favoriser les fraudes. Le manque de transparence, estime-t-il, augmente les chances de bourrages des urnes. Beaucoup de candidats sont tentés d’influencer le déroulement des élections et, bien entendu, le président sortant semble le mieux placé pour le faire.

Dans un rapport publié début juillet, la mission d’assistance en Afghanistan des Nations unies (Unama) affirme que l’État serait intervenu dans le processus électoral. Selon plusieurs témoignages, des représentants gouvernementaux auraient menacé ou harcelé des candidats de l’opposition et leurs partisans.

Lors de cette campagne, plusieurs candidats, comme l’ancien ministre du Plan Ramazan Bashardot et l’ancien ministre des Finances Ashraf Ghani, ont tenté d’appliquer une nouvelle stratégie, centrée sur un programme politique plutôt que sur une quelconque appartenance à un groupe ethnique ou tribal.