
Condamné en 2015, le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, détenu dans le nord de la Russie, a atteint, mardi, son 100e jour de grève de la faim. En France, des dizaines de personnalités appellent une nouvelle fois à sa libération.
Le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov est en grève de la faim depuis 100 jours. Des dizaines de personnalités du monde politique et culturel français ont de nouveau appelé, dans une tribune publiée mardi 21 août, à sa libération immédiate.
"Oleg Sentsov peut mourir à tout moment, à chaque minute qui passe", écrivent les signataires, parmi lesquels figurent l'ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira, l'ambassadeur pour les droits de l'homme François Croquette, les cinéastes Jacques Audiard et Bertrand Tavernier, les écrivaines Annie Ernaux et Delphine de Vigan.
"S’il restait aujourd’hui quelque chose à sauver d’une affirmation politique des démocraties européennes, elles le perdraient définitivement avec la mort d’Oleg Sentsov", ajoutent-ils. "Par son combat, malheureusement mené sans leur soutien réel, Sentsov aura éclairé ce que doivent être les valeurs du XXIe siècle, pour que les démocraties ne répètent pas les erreurs du XXe, en nourrissant elles-mêmes les monstres qui vont les dévorer."
Moscou refuse de céder
Le cinéaste de 42 ans, opposé à l'annexion de la Crimée, a cessé de s'alimenter le 14 mai et n'est maintenu en vie que par les compléments alimentaires injectés par l'administration pénitentiaire russe. Il exige la libération de "tous les prisonniers politiques" ukrainiens emprisonnés en Russie.
En dépit des nombreux appels d'écrivains, acteurs ou cinéastes occidentaux en faveur du réalisateur, Moscou refuse de céder sur cette affaire, rappelant la gravité des charges de "terrorisme" lui ayant valu sa condamnation et assurant que le réalisateur doit demander une grâce pour l'obtenir.
À Prague, plusieurs cinéastes tchèques ont annoncé qu'ils seraient en grève de la faim à partir de mardi jusqu'au 25 août, appelant leurs collègues à prendre le relais les jours suivants, afin de manifester leur solidarité avec Oleg Sentsov. Plusieurs dizaines de d'Ukrainiens ont manifesté devant l'ambassade de Russie à Kiev, brandissant des pancartes "Liberté pour Sentsov" ou "Stop Poutine". Dix personnes ont été arrêtées par la police.
Les ambassadeurs du G7 à Kiev ainsi que de nombreuses personnalités du monde culturel, comme le cinéaste suisse Jean-Luc Godard ou l'acteur américain Johnny Depp, ont appelé à sa libération.
Washington, par la voix de la porte-parole de la diplomatie américaine, Heather Nauert, a dénoncé une "détention arbitraire". Le secrétaire d'État britannique aux Affaires étrangères Alan Duncan s'est dit mardi, dans un communiqué, "extrêmement préoccupé" par l'état de santé du cinéaste ukrainien. La porte-parole de la Commission européenne, Maja Kocijancic, a appelé à sa libération "immédiate".
Un pouls très faible
Le réalisateur "n'entend pas abandonner sa grève, ni demander à Poutine de le gracier", a assuré sa cousine Natalia Kaplan aux journalistes. "Moralement, c'est le même Oleg. Il n'est pas brisé." Dans un entretien à l'AFP la semaine dernière, elle s'était montrée alarmiste quant à son état de santé : "Oleg perd espoir" et "ne croit plus" en une libération.
"Il a un pouls très faible de 40 battements par minute. Il se plaint du cœur qui lui fait mal, de faiblesse générale et essaye de ne pas se lever souvent pour ménager ses forces", expliquait-elle après avoir reçu une lettre de son cousin.
Qualifié de "kamikaze ukrainien" par son avocat, qui le dit "prêt à mourir", le réalisateur a toutefois consenti depuis plusieurs semaines à prendre des compléments alimentaires destinés habituellement aux malades incapables de se nourrir.
Le cas du réalisateur de 42 ans a été abordé récemment par plusieurs dirigeants européens, notamment la chancelière allemande, Angela Merkel, et Emmanuel Macron, lors de leurs entretiens téléphoniques ou rencontres avec le président russe Vladimir Poutine.
Le chef de l'État français a notamment fait par téléphone "plusieurs propositions" à son homologue afin de "trouver de façon urgente une solution humanitaire", a fait savoir l'Élysée qui n'a pas donné plus de détails.
Un possible échange de prisonniers, entre Oleg Sentsov et un journaliste russe détenu par Kiev, a été écarté en juin par Vladimir Poutine qui a estimé que les deux affaires étaient "totalement différentes".
Avec AFP et Reuters