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Investiture d'Ivan Duque en Colombie : "Que la paix ne nous coûte pas la vie"

Le président Ivan Duque a été investi mardi en Colombie. En cette journée historique, des voix se sont élevées pour réclamer le respect des accords de paix signés avec les Farc et la fin des violences contre les leaders sociaux.

C’est l’un des évènements les plus symboliques de l'histoire récente de la Colombie. Mardi 7 août, Ivan Duque, le premier président de la République élu depuis la signature des accords de paix avec les ex-rebelles des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), a été investi.

Malgré le vent d'espoir qui a soufflé après la signature des accords en 2016, les Colombiens assistent à une recrudescence des violences contre des associations et des leaders sociaux -membres des conseils municipaux, syndicalistes, indigènes et afro-descendants- impliqués dans la lutte pour la restitution des terres arrachées aux paysans pendant le conflit avec les guérillas et les paramilitaires. Des violences qui s'exercent également contre ceux qui défendent des droits politiques, ethniques et environnementaux.

Depuis le début de l'année 2018, plus de 120 leaders sociaux ont été assassinés et ce phénomène violent s'est accentué après l'élection d'Ivan Duque le 17 juin : un défenseur des droits de l'Homme est assassiné presque tous les deux jours sur le territoire national. Dans le pays le plus inégalitaire d'Amérique latine (chiffres Oxfam 2016), la répartition des terres a toujours été au centre du conflit. Elle est d'ailleurs reconnue comme étant l'un des éléments déclencheurs de la violence avec les guérillas des Farc.

Investiture d'Ivan Duque en Colombie : "Que la paix ne nous coûte pas la vie"

La distribution des terres, axe vital de l'accord

Les efforts du gouvernement sortant de Juan Manuel Santos pour appliquer les accords signés en 2016 ont été ralentis par le Congrès. Des points concernant la distribution de terres aux paysans, l'axe vital pour un vrai chemin de construction de paix, ont été rejetés par les membres de la Chambre de représentants et du Sénat.

Une question délicate, car beaucoup de ces terres qui appartenaient autrefois aux paysans (avant qu'ils n'en soient délogés soit par la guérilla, soit par les paramilitaires) sont désormais aux mains des propriétaires terriens qui les ont obtenues, pour beaucoup, de façon illégale.

C'est également le cas des énormes terrains appelés "baldíos", historiquement propriétés de l’État, mais qui lors du conflit armé ont été pris d'assaut par des entreprises, des grands commerçants ou des civils pour en faire un objet de profit. Ainsi, 1 % des grands propriétaires possède 81% du territoire colombien. Les 19 % de terres restantes sont répartis entre les 99 % de petits propriétaires.

Leaders sociaux assassinés

La plupart des leaders sociaux assassinés depuis la signature de l'accord -les chiffres montent à plus de 350 selon le rapport "Tous les noms, tous les visages" présenté par plusieurs ONG colombiennes et internationales- avaient une fonction liée à la défense des droits des victimes du conflit et à leur accès  à des terres habitables et exploitables. Le dernier tué, Alfredo Alonso Ruiz Higuita, leader du département d'Antioquia, travaillait pour le programme de substitution des cultures illicites -un autre axe important des accords de paix. Il a été abattu le 5 août dernier.

Aujourd'hui, une nouvelle ère de gouvernance commence, mais il est encore difficile de savoir à quel point elle sera un tournant pour la création d'une nouvelle Colombie. Ivan Duque, le nouveau président entame son mandat avec le soutien total de son prédécesseur Alvaro Uribe, actuellement sous le coup d’une enquête de la Cour Suprême pour fraude électorale et corruption. L’ex-président Uribe est surtout un farouche opposant des accords de paix . Plusieurs membres de son parti ont promis de "déchiqueter" plusieurs des points clés du texte déjà signé.

Rassemblements à l'étranger

"Que la paz no nos cueste la vida" (Que la paix ne nous coûte pas la vie). Tel était le slogan des marches et rassemblements prévus en Colombie et ailleurs pour demander au nouveau chef de l’État le respect de ces accords et la protection des acteurs impliqués dans la défense des droits des victimes.

À l’étranger, les Colombiens se sont rassemblés devant des institutions internationales, de l'ONU à New York jusqu'à la Cour Internationale de Justice à La Haye. Des manifestations pour la paix ont également eu lieu à Londres, Madrid, Édimbourg, Washington, Berlin, Stockholm, Oslo, Strasbourg, Buenos Aires, Mexico, parmi d'autres villes européennes et latino-américaines. À Paris, les Colombiens se sont rassemblés à 19h, place de la République.

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