À 68 ans, le chef de file de l'opposition au Mali, Soumaïla Cissé, affrontera de nouveau le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, au second tour de la présidentielle. Portrait d'un intellectuel en quête de consécration.
Il veut redonner espoir à un pays qui, selon lui, "se meurt". Soumaïla Cissé, comme en 2002 et en 2013, s’est qualifié pour la troisième fois pour le second tour de l'élection présidentielle malienne. Il affrontera, dimanche 12 août, le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta, dit "IBK", face auquel il s’était déjà incliné il y a cinq ans. Mais comme la plupart des autres candidats du premier tour, Soumaïla Cissé a lancé un avertissement : il ne reconnaîtra pas les résultats de l'élection "affectés par des irrégularités".
Face au pouvoir en place, le natif de Niafunké – une ville du Nord-Mali tombée en 2012 sous la coupe des jihadistes – croit savoir que ses concitoyens ont "un fort désir d'alternance". "Le Mali était connu comme un pays de gens qui ont une fierté à fleur de peau, mais qui se sentent tout petits, se sentent humiliés", confiait-il aussi à l’AFP avant le premier tour de l’élection présidentielle. Soumaïla Cissé compte bien y remédier, et prendre sa revanche sur 2013, lorsqu’il a été battu à plus de 70 % des voix par "IBK".
Trajectoire politique commune avec IBK
Rival d'IBK pour la deuxième fois consécutive, Soumaïla Cissé partage avec le président sortant une trajectoire politique commune. Comme le rappelle RFI, "lors de leurs études (à la fin des années 1960 - début des années 1970, NDLR), les deux politiciens en herbe se sont peut-être croisés à Dakar sur les bancs de l'université". Soumaïla Cissé se tourne ensuite vers l’ingénierie et l’informatique, à la différence d'IBK, qui poursuit des études de lettres au Sénégal et en France. Un choix qui le conduira à travailler dans l’Hexagone pour de grands groupes tels qu'IBM, Péchiney ou encore Thomson.
Rentré au Mali en 1984, Soumaïla Cissé intègre la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT), alors colonne vertébrale de l'économie du pays, et est considéré comme le chef d'un groupe d'intellectuels bien décidés à jouer un rôle politique. C’est au début des années 1990 que décolle vraiment sa carrière politique. Après le renversement du général Moussa Traoré par un coup d’État militaire, Alpha Oumar Konaré (1992-2002) devient le premier président de l’ère démocratique du Mali. Pendant cette période, Soumaïla Cissé s'ancre dans le paysage politique. D'abord engagé dans le parti politique historique Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), il est nommé successivement secrétaire général de la présidence, puis ministre des Finances, entre 1993 et 2000. Tout comme un certain… Ibrahim Boubacar Keïta, adhérent de l’Adema et Premier ministre de 1994 à 2000.
De l'URD au "front anti-IBK"
Au début des années 2000, la carrière politique de Soumaïla Cissé prend un autre tournant. En 2002, candidat du parti présidentiel, il est battu au second tour par Amadou Toumani Touré, un militaire qui a pris sa retraite de l'armée. L'année suivante, il crée son propre parti, l'Union pour la République et la démocratie (URD), aujourd'hui deuxième force politique à l'Assemblée nationale.
Puis il préside la Commission de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) de 2004 à 2011, avant de s'opposer au putsch du 22 mars 2012 au Mali. Il est alors brutalement arrêté par les hommes du capitaine Amadou Haya Sanogo. Blessé lors de cette arrestation, à son domicile de Bamako, il a part se faire soigner en France.
Et depuis 2013, sa trajectoire reste encore étroitement liée à celle d'IBK. Vaincu à l’élection présidentielle de 2013, Soumaïla Cissé croit en ses chances cette année. Défendant un programme d'inspiration libérale, il fustige le bilan du président sortant, "un échec total", selon lui, comme il le disait à RFI le 23 juillet, quelques jours avant le premier tour. Mettant en avant sa "gestion réussie" lors de son passage au ministère des Finances et son expérience "de l’international", Soumaïla Cissé compte sur un "front anti-IBK" – il est soutenu par une trentaine de partis politiques et plus de 200 associations – pour "restaurer l’autorité de l’État" et "instaurer un véritable dialogue entre les Maliens".