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La pénurie d’électricité au coeur des manifestations en Irak

Après des années de négligences de son réseau électrique, l’Irak se retrouve piégé dans une crise d’approvisionnement énergétique. Des manifestations ont lieu depuis la mi-juillet pour dénoncer les coupures de courant systémiques.

En Irak, où tous les foyers ont appris depuis longtemps à composer avec les pannes de courant chroniques, le gouvernement se retrouve chaque été sous la pression de la rue. Mais cette année, les manifestations, au cours desquelles 14 personnes ont été tuées, se sont succédé depuis la mi-juillet, prenant une ampleur inédite.

La dernière en date, dimanche 29 juillet, a eu lieu à Bassora et à Samawa (sud), où des forces de sécurité ont été déployées pour disperser les manifestants. Payant le prix de ce mécontentement populaire, dans la même journée, le ministre de l'Électricité irakien a été limogé par le Premier ministre irakien, Haider al-Abadi.

Depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, aucun ministre de l'Électricité n'a été capable de terminer son mandat. Tous ont démissionné ou ont été limogés. Un des ministres a même fui à l'étranger après avoir été accusé d'avoir volé 500 millions de dollars. Deux sont toujours poursuivis pour corruption, notamment pour des contrats fantômes de plusieurs millions de dollars.

Electric power cables in an affluent neighbourhood in Baghdad. You can imagine how it is in the villages. #Iraq pic.twitter.com/6KBpJNSz7t

  Hayder al-Khoei (@Hayder_alKhoei) 11 mai 2017

Quelque 34 milliards d'euros d’aide mais aucun résultat

Le très vétuste réseau électrique irakien a commencé à être laissé à l'abandon durant les douze ans d'embargo international imposés à l'Irak, après l'invasion du Koweit par Saddam Hussein en 1990. Puis le délitement de l'infrastructure s'est conjugué avec un bond de la consommation d'électricité après l'invasion américaine en 2003. Celle-ci a provoqué une importation massive d'appareils électroménagers, d'ordinateurs, de paraboles et de téléphones portables.

Résultat, actuellement, le réseau public irakien n’est pas capable de fournir plus de quelques heures d'électricité par jour, forçant les Irakiens à se débrouiller avec des générateurs proposés par des entrepreneurs privés.

Pourtant, le pays a officiellement alloué 34 milliards d'euros pour remettre sur pied ses installations électriques, mais une grande partie de cette somme a fini dans les poches de politiciens et d'entrepreneurs véreux. D’après le classement de l’ONG spécialisée Transparency international, l’Irak figure au rang du 12e pays le plus corrompu au monde .

L’Iran coupe l’électricité

Ayant négligé ses propres infrastructures, l’Irak ne peut produire que 68   % de l'électricité dont il a besoin hors période de fortes chaleurs. Pour le reste, et particulièrement lorsque le thermomètre dépasse les 50°C, Bagdad dépend donc de ses voisins, dont l’Iran, pour s'alimenter en électricité ou pour importer le carburant de ses centrales électriques. Un comble pour un État doté d'immenses richesses pétrolières. Hors sur ce point précis, la situation s'est dégradée quand les compagnies iraniennes qui fournissaient une importante part d'électricité au sud du pays ont cessé leur approvisionnement début juillet, en raison de très importants impayés.

Les responsables irakiens ont justifié ces arriérés de paiement par le coût de la guerre contre l’organisation État islamique (EI) et la baisse des cours du pétrole, qui représente 89   % des ressources budgétaires de Bagdad. Enfin, certains ont même accusé la population irakienne qui, dans sa grande majorité, ne paie pas les factures d'électricité aux compagnies publiques.

Le secrétaire du ministre irakien de l’Électricité, Adel Jerian, a indiqué pour sa part que le remboursement de la dette envers le voisin iranien avait été empêché par le rétablissement des sanctions américaines contre Téhéran.

"Nous, ce que nous voulons c’est changer le système"

Pour calmer la colère de la rue, le gouvernement central a promis d’allouer des milliards d’euros au développement des infrastructures de ses provinces, dont 3 milliards d’euros à Bassora d’où est parti le mouvement de contestation. Mais pour les manifestants, cela reste insuffisant. "De simples paroles ne leur éviteront pas d’être punis pour ce qu’ils ont fait. Nous, ce que nous voulons c’est changer le système", a expliqué Adnan Al Awahili, l’un des meneurs du mouvement, rencontré par des reporters de France 24 dans la région de Bassora.

Sans une restructuration complète du pouvoir politique, beaucoup craignent que cet argent ne disparaisse à nouveau dans les poches d’autorités corrompues. Et pour ne rien arranger, l’Irak est plongé dans un flou politique depuis les législatives du 12 mai, qui ont désavoué l’actuel Premier ministre. Le décompte des résultats se poursuit encore, deux mois après la tenue du vote, laissant la population dans l’attente et le doute.

Avec AFP