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Le Nord, nouveau front de la guerre

À quelques jours de l'élection présidentielle, de nombreuses attaques visent le nord de l'Afghanistan, jusqu'alors plutôt épargné. Reportage dans les provinces de Kunduz et Takhar.

Le policier pointe nerveusement du doigt le plafond détruit: la roquette est tombée ici et elle a explosé sur le toit. Six autres ont suivi. Sher Mohamad a le regard inquiet parce que l’attaque des rebelles Taliban contre son poste de contrôle a eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi, sur la route principale qui traverse le nord de l'Afghanistan, à l’entrée de la province de Kunduz. La région, considérée encore calme en début d’année, bascule en zone de combats.

Ce lundi matin, les policiers ont été pris en embuscade et les combats continuent. "Il y a quelques jours, quatre Américains ont été tués", détaille le colonel Abdul Ahrman Aktash, chef de la sécurité de Kunduz. L’insécurité augmente parce que, depuis le début de l’année, l’approvisionnement des forces de l’Otan passe par cette région. En 2008, alors que des centaines de camions ont été brûlés au Pakistan, l’Otan et l’armée américaine ont fait du nord de l'afghanistan leur nouvelle route de transit.

La colère monte contre le gouvernement Karzaï

La région devient stratégique pour les forces étrangères comme pour les Taliban. "La situation s’est vraiment dégradée", raconte un camionneur de Kunduz, qui insiste pour garder l’anonymat. Il transporte du matériel pour l’armée américaine entre le Tadjikistan et Kaboul, la capitale afghane. Il y a trois jours, des hommes armés ont arrêté son convoi, chassé les chauffeurs et brûlé les camions.

Le Nord est une région où les Taliban n’avaient pourtant, ces dernières années, que très peu d’assise populaire. Mais la colère monte contre le gouvernement de Hamid Karzaï. Dans la province voisine de Takhar, des chefs de village accusent les seigneurs de guerre, tout-puissants, d’avoir volé des terrains et des maisons. Anwar, les mains derrière le dos, portant le manteau traditionnel afghan et turban noir, regarde Tsin Zai.

Le village d’une vingtaine de maisons en terre, avec quelques champs, est sis au pied de montagnes arides. "Ils ont pris tout ce que nous avions, dénonce-t-il. Nous avons vécu des moments extrêmement durs avec beaucoup de violences." Il est rejoint par d’autres chefs de villages, qui témoignent tous de l’incapacité du gouvernement afghan à faire respecter la justice. Sous les turbans, les yeux brillent de colère : "Nous avons été très patients jusqu’à maintenant, mais nos terres ne nous ont pas été rendues, lance Haji Sarwar. Le gouvernement va être étonné de ce qu’il va se passer. Nous sommes prêts à jouer nos vies."