Le démantèlement partiel constaté de la base nord-coréenne de tir de satellites de Sohae est avant tout un geste diplomatique, son intérêt stratégique et militaire étant bien moindre que par le passé.
Son nom : base de lancement de Sohae, de Tongch'ang-dong ou de Pong-Dong-Ni, voire parfois de Pong-Dong-Ri. Ces multiples appellations désignent un même site majeur de tir de satellites nord-coréens que Pyongyang a commencé à démanteler, d’après le rapport des experts du 38 North, un groupe de surveillance nord-coréen basé à Washington, rendu public lundi 23 juillet.
Ce qui s'apparente à un premier geste de désescalade militaire depuis le sommet de Singapour entre le président américain Donald Trump et le leader nord-coréen Kim Jung-un. Car le site de Sohae était un élément essentiel du dispositif balistique nord-coréen.
Test balistique à Sohae
"Tous les lancements spatiaux de l’ère Kim Jung-un sont partis de là", rappelle le site d’analyse sur la Corée du Nord, NK Pro. Cette base, dont la construction avait commencé à la fin des années 1990 pour s’achever en 2009, a été conçue pour prendre la relève du site de Musudan-ri (côte est de la Corée du Nord) qui avait servi les desseins balistiques de Kim Il-sung, le père fondateur de la République populaire démocratique de Corée, dans les années 1980.
La base de Sohae, qui se situe sur la côte ouest du pays, offrait l’avantage à Pyongyang de "placer un satellite en orbite sans survoler la Corée du Sud, ce qui pouvait être vu comme un acte agressif", assure James Oberg, l’un des rares journalistes américains à avoir pu visiter le site de Sohae. Le lancement d’un satellite était devenu pour le pouvoir nord-coréen l’une des priorités de la première décennie du XXIe siècle. Après deux tentatives ratées depuis Musudan-ri, la Corée du Nord tient son pari lors du troisième essai en décembre 2012.
Le deuxième lancement réussi d’un satellite nord-coréen depuis Sohae en 2016 a mis le feu aux poudres à l’ONU. Les États-Unis y ont soutenu qu’il s’agissait en réalité d’un test pour le lancement de missile à longue distance et y ont vu un motif pour établir un système anti-missiles en Corée du Sud. La base de Sohae est généralement considérée comme un laboratoire de recherches sur les technologies de missiles balistiques.
Retraite méritée
Le complexe en lui-même est constitué d’une rampe de lancement, d’un site de test, d’un centre de commandement, d’une usine d’assemblage de fusées et d’une dizaine de bâtiments à la raison d’être inconnue. Les images publiées par 38 North ne concernent que deux de ces nombreuses installations : le site de lancement et celui où sont effectués les tests.
Le démantèlement partiel n'est "pas irréversible", prévient le site The Diplomat, spécialisé dans l’actualité géopolitique en Asie. "Les fondations de la rampe de lancement sont toujours présentes, et seule l’armature métallique – qui peut être remise en place – a pour l’instant été enlevée", constate le site.
Pour The Diplomat, cet effort à Sohae relève plus du gage de bonne foi diplomatique que d’un début de "dénucléarisation", appelé de ses vœux par Donald Trump. D’abord parce que le seul site de tests nucléaires était celui de Punggye-ri, qui a déjà été officiellement fermé le 24 mai 2018. Pyongyang n’a pas non plus arrêté ses réacteurs nucléaires sur le site de Yongbyon (à 100 km au nord de la capitale) qui lui procurent la matière fissile nécessaire à une bonne bombe.
Ensuite, parce que la base de Sohae peut prendre une retraite bien méritée sans pour autant porter de coup à la puissance militaire nord-coréenne. Le lancement réussi en novembre 2017 d’un missile intercontinental a permis à Kim Jung-un d’atteindre son but : prouver au monde que "Rocket man" peut frapper "Oncle Sam" sur son sol. C’était le but principal des recherches menées à Sohae. Le leader nord-coréen n’a pas non plus besoin de ce complexe pour que la menace reste d’actualité puisque le pays utilise des rampes de lancement mobiles pour ses missiles balistique à courte, moyenne ou longue portée.