
, envoyée spéciale à Kaboul – Alors que la campagne pour le scrutin du 20 août s'achève ce lundi, le sentiment d'insécurité se renforce en Afghanistan. Dimanche, les Taliban ont menacé de s'en prendre à des bureaux de vote, ce qui fait craindre une forte abstention.
Au dernier jour de campagne, alors que le candidat Abdullah Abdullah donne son ultime meeting, une marée bleue submerge le Ghazi Stadium à Kaboul, tristement célèbre pour avoir été le théâtre des exécutions publiques du temps des Taliban. A l’intérieur, les hommes, vêtus de T-shirts et de casquettes bleus, couleur de l’ancien ministre en exil des Affaires étrangères du commandant Massoud. A l’extérieur, les femmes, couvertes de voiles de la même couleur.
Le 20 août se tiendra le premier scrutin organisé depuis 30 ans par les Afghans eux-mêmes. L’élection présidentielle de 2004 et les législatives de 2005 s'étaient déroulées sous l’égide de l’ONU.
Mais, plutôt que de se réjouir, la population préfère moquer le folklore de la campagne et dénoncer les méthodes tape-à-l’œil des candidats.
Achat de voix
Dimanche soir, le président sortant Hamid Karzaï s’est finalement confronté à ses rivaux au cours d’un débat télévisé sur la chaîne d’Etat. En tête dans les sondages, il avait refusé de participer à un précédent débat sur une chaîne privée, s’attirant les foudres des candidats Abdullah et Ashraf Ghani, l’ancien ministre des Finances.
Pendant ce temps-là, dans Kaboul, sur l’Avenue Darulaman, une poignée d’hommes regardent la télé sous une tente de fortune. Nous sommes dans l’improbable QG de campagne de Ramazan Bashardost, un ancien ministre de l’Aménagement du territoire qui fait campagne sur le thème de la lutte contre la corruption.
Pour Afifa Maroof, candidate au deuxième poste de vice-président derrière Bashardost, "Karzaï et ses associés, comme Abdullah Abdullah, font campagne en dépensant des dollars. Personne ne viendrait à leur meeting s’ils ne distribuaient pas tout cet argent".
Maroof, avocate, a démissionné de la commission indépendante des droits de l’Homme (AIHRC) pour protester contre le déroulement de la campagne. Elle dénonce les candidats qui ont pris l’habitude de distribuer des cadeaux ou de l’argent en échange de voix.
Pour lutter contre cette pratique, très répandue en Afghanistan, la chaîne de télévision privée Tolo TV diffuse un spot encourageant les électeurs à prendre l’argent, puis à voter comme bon leur semble dans l’isoloir.
Le rôle primordial des chefs locaux
Le président sortant Hamid Karzaï est également critiqué pour ses accords avec des personnages à la réputation sulfureuse de la scène politiques afghane. Ainsi, sa décision de faire de Marshal Qasim Fahim son vice-président a choqué. La justice des hommes de Fahim, coupables de nombreux crimes pendant la guerre civile du début des années 1990, ont été les bourreaux de… Karzaï à cette époque.
Mais, comme le soulignent les observateurs, en Afghanistan, la bénédiction des seigneurs locaux est essentielle pour remporter une élection. Les candidats font donc fi des querelles passées ou des divergences idéologiques.
Dans le même registre, le sulfureux chef de guerre Rashid Dostum s’est vu accorder l’autorisation de revenir de son exil en Turquie dimanche soir. Cet Ouzbek - qui est accusé de crimes contre les Taliban au lendemain de l’invasion américaine en 2001 - s’est empressé de regagner l’Afghanistan peu après l’annonce.
L’ONU et les Etats-Unis craignent que ce retour ait été négocié en échange de voix et d’un poste important dans le prochain gouvernement Karzaï, si ce dernier est élu.