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Après deux ans de purges, l'état d'urgence a été levé en Turquie

La Turquie a levé, jeudi, l'état d'urgence en vigueur depuis deux ans dans le pays. Ce régime d'exception a permis au gouvernement de mener de vastes purges après un putsch avorté.

Dans la nuit du mercredi 18 au jeudi 19 juillet, la Turquie a mis fin à l'état d'urgence. Ce régime d'exception, qui élargit considérablement les pouvoirs du président et des forces de sécurité, avait été mis en place le 20 juillet 2016, quelques jours après une sanglante tentative de coup d'État qui a secoué la Turquie dans la nuit du 15 au 16 du même mois.

Sous l'état d'urgence, les autorités turques ont mené pendant deux ans une traque implacable contre les putschistes et leurs sympathisants présumés, mais ont aussi visé des opposants prokurdes accusés de "terrorisme", des médias critiques et des ONG.

Activé pour une durée initiale de trois mois, l'état d'urgence a été prolongé à sept reprises et la dernière extension expire mercredi à 22h00 GMT (jeudi 01h00 heure turque). Le gouvernement a indiqué qu'il n'y aurait pas de nouvelle rallonge.

En deux ans d'état d'urgence, la Turquie a connu une "transformation radicale" avec notamment la "réduction au silence des voix critiques", dénonce dans un communiqué Amnesty International. La levée de ce régime d'exception est "un pas dans la bonne direction", juge l'ONG, qui insiste toutefois sur la nécessité de "rétablir le respect des droits de l'Homme, permettre à la société civile de s'épanouir à nouveau et dissiper le climat de peur".

Purges incessantes

Ce dispositif a permis à Recep Tayyip Erdogan d'émettre pendant deux ans des décrets à valeur de loi qui ont profondément modifié la législation turque. Aux termes de la réforme constitutionnelle, le président turc conservera néanmoins cette prérogative.

Pendant les deux années écoulées, la Turquie a vécu au rythme de purges incessantes qui ont conduit à l'incarcération de près de 80 000 personnes soupçonnées de liens avec le putsch ou avec le "terrorisme". Plus de 150 000 fonctionnaires ont en outre été limogés ou suspendus. Parmi les 34 décrets-lois émis pendant l'état d'urgence figurent la mise en place d'une tenue unique pour les personnes emprisonnées en lien avec le putsch – une mesure jamais appliquée à ce jour –, ou encore l'immunité judiciaire pour les civils ayant affronté les putschistes.

La levée de l’état d’urgence survient par ailleurs alors qu’un projet de loi soutenu par le parti de Recep Tayyip Erdogan sera introduit au Parlement cette semaine. Selon l'agence de presse étatique Anadolu, le texte permet aux autorités de continuer, pour les trois années à venir, de limoger tout fonctionnaire lié à une "organisation terroriste".

En outre, les administrateurs publics nommés pendant l'état d'urgence à la tête d'entreprises soupçonnées de liens avec une "organisation terroriste" pourront rester en place pendant encore trois ans.

Autres mesures : les manifestations et rassemblements seront, sauf autorisation spéciale, interdits après le coucher du soleil. Les autorités locales pourront restreindre l'accès à certaines zones et la garde à vue pourra durer jusqu'à 12 jours, selon la nature du délit.

"Pérenniser l'état d'urgence"

Les dirigeants turcs ont insisté sur la nécessité, selon eux, de mettre en place un cadre législatif permettant de continuer de "lutter efficacement" contre les "groupes terroristes". Le projet de loi doit être débattu au Parlement dans les jours à venir. Mais l'opposition tire déjà à boulets rouges sur le texte.

La principale formation anti-Erdogan, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), a ainsi accusé le gouvernement de vouloir "pérenniser l'état d'urgence" avec des mesures jugées "contraires à la Constitution". "Avec ce texte, avec les mesures qu'il comprend, l'état d'urgence ne sera pas prolongé de trois mois, mais de trois ans", a accusé lundi Ozgür Ozel, adjoint au président du groupe parlementaire CHP.

Ankara impute la tentative de coup d'Etat au prédicateur Fethullah Gülen, qui réside depuis une vingtaine d'années aux Etats-Unis et dément toute implication.

Avec AFP