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Le plan anti-immigration de la droite bavaroise qui fragilise Merkel

Peu avant une rencontre cruciale avec Angela Merkel, le ministre allemand de l’Intérieur Horst Seehofer a dévoilé son grand plan pour l’accueil des migrants. Un programme qui ferait virer la politique migratoire très à droite.

Il a fait planer le mystère pendant des semaines. Le ministre allemand de l’Intérieur Horst Seehofer a défié, mi-juin, Angela Merkel avec son “masterplan” (plan directeur) sur l’immigration… que personne ou presque n’avait vu jusqu’à présent.

Il a rendu public son document, dimanche 1er juillet, la veille d’un tête à tête de la dernière chance avec la chancelière. Car si Angela Merkel et Horst Seehofer ne trouvent pas de terrain d’entente, le ministre de l’Intérieur pourrait mettre sa menace de démission à exécution, faisant voler la coalition en éclat et plongeant le pays dans une crise politique sans précédent.

Le point 27

La bataille politique tourne essentiellement autour du point 27 du “masterplan”. La mesure préconise de pouvoir refouler plus librement et davantage de migrants à la frontière, dont les demandeurs d’asile qui ont déjà soumis une requête dans un autre pays de l’espace Schengen. Jusqu’à présent, une telle personne pouvait, dans tous les cas ou presque, entrer sur le territoire allemand afin que son dossier y soit aussi examiné.

Une remise en cause de la politique d’Angela Merkel qui, de plus, refuse que l’Allemagne durcisse ses règles d’accueil sans consulter les autres pays européens sur un plan global.

Dans le détail, l’article 27 énumère tous les cas de figure permettant aux gardes-frontières de ne pas laisser entrer un migrant sur le territoire allemand. Ils avaient déjà largement été discutés dans les médias depuis le début de la crise au sommet de l’État allemand. Horst Seehofer avait même menacé de l’appliquer à la frontière entre sa Bavière natale et l’Autriche, avec ou sans le soutien de la chancelière, défiant ouvertement son autorité.

Des centres politiquement très sensibles

Les autres points du “masterplan” avaient été gardés secrets. Ils dressent le portrait d’une Allemagne radicalement moins accueillante. Tous les aéroports devraient disposer d’espaces suffisamment grands pour permettre des expulsions de masse. Mais Horst Seehofer ne veut pas seulement rendre le territoire allemand plus difficile d’accès, il veut aussi accroître la pression sur ceux qui ont réussi à pénetrer sur le territoire.

Les demandeurs d’asile se retrouveront, en effet, dans des centres d’accueil où leur dossier sera traité de bout en bout. Jusqu’à présent, les réfugiés étaient d’abord logés dans des centres d’urgence avant d’être répartis dans des différents logements de fortune. L’idée de placer toutes ces personnes dans des camps durant toute la procédure était politiquement très sensibles en Allemagne.

Horst Seehofer n’en a cure. Il estime aussi que les demandeurs d’asile pourraient être obligés de participer aux frais induits par le traitement de leur dossier. La législation devrait, d’ailleurs, être allégée afin de rendre les procédures moins onéreuses et plus rapide, d’après le “masterplan”.

Si le ministre de l’Intérieur veut que les dossiers soient traités aussi vite que possible, il demande, en revanche, aux nouveaux arrivants d’être plus patients pour avoir droit aux aides sociales autres que celles d’urgence. Ils ne pourront y prétendre qu'au bout de 36 mois, au lieu de 15 actuellement. Les demandeurs d’asile pourront également perdre leur statut s’ils commettent une infraction ou s’ils se rendent dans leur pays d’origine. Ils pourront, dans ces deux cas, être expulsés d’Allemagne immédiatement.

Horst Seehofer demande aussi plus d’argent pour son ministère. Il veut six millions d’euros pour financer des programmes de formation des policiers… des pays d’origine des migrants et de ceux qu’ils traversent, comme la Grèce ou l’Italie. Dans son “masterplan”, Horst Seehofer n’aborde la question de la collaboration internationale en matière d’immigration que sous l’angle répressif.

C’est donc un virage très à droite que préconise le ministre de l'Intérieur. Et Angela Merkel a assuré être d’accord sur la quasi-intégralité du plan, ce qui en dit long sur l’évolution de la politique migratoire allemande depuis 2015 et l’époque de l’accueil enthousiaste des migrants. Le durcissement politique proposé est d’ailleurs tel que même si la chancelière venait à s’y convertir pour essayer de sauver la coalition, elle met en péril le soutien des ministres SPD, qui incarnent l’aile gauche de son gouvernement.