correspondante à New York – Aux États-Unis, des candidats jeunes et progressistes se mettent en ordre de bataille en vue des élections de mi-mandat en novembre. Parmi eux, Alexandria Ocasio-Cortez, qui vient de remporter une victoire inattendue lors de primaires à New York.
Il y a encore quelques mois, Alexandria Ocasio-Cortez essuyait le comptoir d’un bar en sa qualité de serveuse. Aujourd’hui, cette New-Yorkaise de 28 ans pourrait bien devenir la plus jeune élue du Congrès de l’histoire des États-Unis.
Cette jeune femme du Bronx a remporté haut la main les primaires organisées le 26 juin pour élire le représentant du 14e district de New York (qui englobe une partie du Bronx et du Queens) face à Joseph Crowley, un mastodonte du parti démocrate élu dans ce secteur depuis près de 20 ans. Elle affrontera le républicain Anthony Pappas, lors des élections de mi-mandat, le 6 novembre.
Cette victoire a été une surprise, même pour la principale intéressée, qui a écarquillé ses yeux tout ronds à l'annonce du résultat. Alexandria Ocasio-Cortez, qui se décrit comme une socialiste avec une ligne politique résolument à gauche, coche toutes les cases de l’outsider politique : femme, novice, jeune, latino, issue d’un milieu modeste.
"Je veux élire un candidat qui n’est pas du tout comme Donald Trump"
Dans les rues du Queens, on se réjouit de la victoire de cette jeune femme qui avait travaillé pour la campagne de Bernie Sanders, candidat malheureux lors des primaires démocrates de 2016. "Je suis très heureux, déclare William, 40 ans. C’est une femme, elle va faire les choses différemment, et elle est jeune, elle va pouvoir parler à la nouvelle génération."
Diana Gutieres, 50 ans est elle aussi ravie. ‘’J’ai voté pour elle en partie car elle est hispanique. Je pense qu’elle comprendra mieux les gens qu’elle représente, explique cette femme originaire d’Équateur. Et aussi, elle est proche de Bernie Sanders. Mon fils et moi, on adore cet homme. En gros, je veux élire un candidat qui n’est pas du tout comme Donald Trump.’’
Si la carte anti-Trump est un atout, Alexandria refuse de s’en satisfaire. "On est habitués à voter pour le moins pire des candidats, pas pour le meilleur. J'espère qu’à l'avenir on va se rendre compte qu’il nous faut des candidats exceptionnels’, a-t-elle déclaré sur CNN.
À l’approche des élections de mi-mandat, le parti démocrate se voit secoué par une nouvelle vague de candidats progressistes, aux positions plus tranchées que leurs prédécesseurs, lesquels sont considérés comme confortablement installés dans leur fauteuil. Ainsi, quand Joseph Crowley se contente de taxer les services d’immigration américains (ICE), largement critiqués pour leur rôle dans les arrestations et renvois d’immigrés sans papiers, Alexandria Ocasio-Cortez plaide, elle, haut et fort pour leur abolition. Elle réclame aussi la gratuité de la scolarité, des loyers abordables, et l'accès pour tous au système d’assurance santé “Medicare”. “Il y a plein de candidats comme moi partout”, prévient-elle dans une interview à Vogue.
La victoire de cette outsider est d’ailleurs un signe positif pour Cynthia Nixon, l’une des héroïnes de la série "Sex and the City", farouchement anti-ICE également, qui se présente face au démocrate Andrew Cuomo pour le poste de gouverneur de l’État de New York.
“Je viens d’en bas”
Alexandria Ocasio-Cortez veut, elle, être le visage de la classe moyenne de New York. Dans le secteur où elle s’est présentée, la moitié de la population est latino, 12 % des familles vivent sous le seuil de pauvreté. Cette classe est peu à peu chassée de la mégalopole en raison du coût de la vie qui ne cesse d’y flamber. Alexandria Ocasio-Cortez connaît bien le sujet : après le décès de son père, des suites d’un cancer, en 2008, elle a dû trouver un emploi dans un restaurant afin de pouvoir aider financièrement sa famille, sous le coup d’une saisie judiciaire. Sa mère, originaire de Porto Rico, et vivant dans le Bronx, d’où était natif son mari, cumulait deux emplois : femme de ménage et conductrice de bus. Elle a finalement été contrainte de déménager en Floride, précise le New York Times.
“J’ai grandi au milieu de cinq personnes dans un appartement avec une seule chambre”, a raconté Alexandria Ocasio-Cortez dans son interview au magazine Vogue. “Les personnes comme moi ne sont pas censées se présenter aux élections”, annonçait-elle, en référence notamment à son manque d’argent, dans son clip de campagne largement visionné sur Internet.
Le clip de campagne d'Alexandria Ocasio-Cortez
Pourtant, celle qui rembourse toujours un crédit contracté pour ses études à l’université de Boston, s’est décidée à entrer dans la course en 2016, encouragée par le mouvement bénévole Brand New Congress, qui soutient des candidats pour les élections de mi-mandat et appelle au refus de tout financement émanant d’entreprises. Alexandria Ocasio-Cortez a, elle, monté sa campagne à partir de financements constitués aux trois-quart de dons inférieurs à 200 dollars. Son bureau de campagne, situé dans le Queens, est d’ailleurs un bâtiment très modeste coincé entre deux échoppes sous un métro aérien. Pas de quoi rougir pourtant. “Je ne fais pas campagne à gauche, je fais campagne en bas”, clamait-elle il y a quelques jours dans les colonnes du Huffington Post.