
Les migrants secourus par l'Aquarius et refusés par l'Italie sont arrivés au port espagnol de Valence, dimanche, après avoir passé neuf jours en mer. Certains d'entre eux doivent être accueillis en France après examen de leur situation.
Après une semaine d'errance en Méditerranée, les 630 migrants secourus par le navire humanitaire Aquarius sont arrivés, dimanche 17 juin, en Espagne. Un premier bateau transportant une partie de ces migrants, le navire italien Dattilo, est entré dans le port de Valence un peu avant 04h30 GMT (06h30 locales).
L'Aquarius, affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières, est entré quelques heures plus tard dans le port espagnol avec 106 passagers à son bord. Les derniers migrants ont débarqué à la mi-journée à bord d'un autre navire militaire italien, l'Orione.
⚡COMMUNIQUE⚡
Débarquement de 630 naufragés à #Valence après 8 jours insoutenables.
Nous, citoyens européens, ne pouvons accepter 1 victime de plus en #Méditerranée.
L'odyssée forcée de l'#Aquarius doit être un signal d’alerte pour les dirigeants #UE. https://t.co/06YusEFAd7 pic.twitter.com/XSyH26hts0
Pour ces 450 hommes, 80 femmes dont au moins 7 enceintes, 89 adolescents et 11 enfants de moins 13 ans rêvant d'une vie meilleure en Europe, l'arrivée à Valence marque la fin d'un voyage éprouvant de 1 500 kilomètres durant lequel ils auront été le catalyseur des profondes fractures au sein de l'Union européenne (UE) sur la question migratoire. Certains d'entre eux doivent être accueillis en France, après l'examen de leur situation en Espagne, avait annoncé le gouvernement espagnol samedi.
Sur le port de Valence, des tentes ont été montées et des ambulances pré-positionnées pour accueillir les migrants. Une banderole clamant "Bienvenue chez vous", dans différentes langues, a été déployée alors que l'arrivée de l'Aquarius a déclenché un élan de solidarité.
"Les gens se proposent pour tout ce qui se présente : servir de traducteur, offrir un logement", expliquait Johnson Tamayo, artiste de 51 ans, l'un des très nombreux bénévoles mobilisés par la Croix-Rouge. Au total, le dispositif mis en place pour cet accueil exceptionnel mobilise 2 320 personnes dont environ 1 000 bénévoles et 470 traducteurs. L'évènement est ultramédiatisé, avec plus de 600 journalistes accrédités.
Un geste "humanitaire" et "politique" pour Madrid
Tout juste arrivé au pouvoir, le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez avait offert d'accueillir les migrants sauvés par l'Aquarius dans la nuit du 9 au 10 juin au large de la Libye et à qui l'Italie et Malte refusaient d'ouvrir leurs ports. Un geste "humanitaire" mais aussi "politique" pour Madrid, destiné à impulser une réponse européenne commune face à la crise migratoire.
Le refus de l'Italie et de son ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini (Ligue, extrême droite), homme fort du gouvernement, d'accueillir l'Aquarius a en effet plongé l'Europe dans une nouvelle crise sur la question migratoire et déclenché une passe d'armes diplomatiques entre la France et l'Italie.
Long format en 4 épisodes: "Ainsi sauvait l'Aquarius", 10 jours à bord de l'arche des migrants en mer Méditerranée: https://t.co/Y5jwRDKJPf pic.twitter.com/zViFyolTy3
Charlotte Boitiaux (@chaboite) 16 juin 2017Le "J'accuse" de Christiane Taubira
Dans le Journal du Dimanche, l’ancienne ministre française de la Justice, Christiane Taubira, a fustigé l’inaction de l’Europe. Dans une tribune intitulée "Aquarius : Espagne, notre lueur", la socialiste énumère les épisodes où la France a accueilli des réfugiés en nombre : de la guerre d'Espagne en 1936 à la guerre des Balkans en 1990, en passant par les "boat people" et la guerre d'Algérie. "Il n'est pas question de dire ici qu'il est simple d'accueillir. Il ne s'agit ni d'enjoliver, ni de banaliser, ni même de dédramatiser. Ce n'est pas un conte", convient-elle.
"L'Europe avait une occasion d'exister, de retrouver son magistère éthique sur une scène internationale pleine de fracas, où prospèrent la crânerie, la fourberie, l'ivresse de l'impunité, le désarroi", affirme l'ex-ministre de la Justice. "Au lieu de cela, la panique gagne. La chancelière [allemande] recule, l'Italie bascule, et chez nous la parole officielle fait des gammes sur la misère du monde après des trémolos sur les personnes sans abri et les personnes réfugiées qui, en quelques mois, étaient censées ne plus se trouver à la rue", accuse-t-elle. Avant d’ajouter : "Jamais dans l'histoire, lorsqu'il fallut accueillir une part du monde, la société ne s'est effondrée ni même affaiblie."
Toujours est-il que l'offre de Paris d'accueillir une partie des migrants de l'Aquarius a été saluée par le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, pour qui elle "démontre que c'est dans ce cadre de coopération que l'Europe doit donner une réponse, dans un esprit de solidarité européenne au contenu réel".
Concrètement, l'Office français de protection des réfugiés a indiqué à l'AFP être prêt "à envoyer en tout de début de semaine (à Valence) des équipes qui pourront s'assurer que les personnes relèvent bien du droit d'asile".
Une fois arrivés à bon port, les migrants de l'Aquarius vont débarquer par groupes après un premier examen médical et devront attendre ensuite que leur situation soit examinée au cas par cas.
Alors que les migrants de l'Aquarius arrivent en Espagne, troisième porte d'entrée par la mer dans l'UE, près d'un millier d'autres migrants sont arrivés dans le sud du pays à bord d'embarcations de fortune vendredi et samedi dont quatre sont morts.
Avec AFP