Le sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un met en lumière un acteur décisif : la Chine. Alliée de la Corée du Nord, Pékin entend être partie prenante à tout hypothétique traité de paix, et profiter en outre de la rupture de Washington avec le G7.
C'est à bord d'un avion chinois que Kim Jong-un est arrivé dimanche 10 juin à Singapour en vue de sa rencontre avec Donald Trump. Un détail qui n'est pas anodin car la Chine entend littéralement garder sous son aile le jeune dirigeant nord-coréen, au moment où celui-ci s'apprête à engager une négociation à l'issue incertaine avec le président américain.
Confirmation par l’image : Kim est bien arrivé par un vol Air China #SingaporeSummit pic.twitter.com/sFl37Eulwx
anne corpet (@annecorpet) 10 juin 2018Interrogée, la diplomatie chinoise s'est bornée à préciser que la demande de transport émanait de Pyongyang et qu'une "compagnie aérienne chinoise (avait) offert ses services". Mais par ce symbole, Pékin a aussi pu vouloir se rappeler au bon souvenir de la Corée du Nord comme des Américains et souligner qu'aucun réglement de la question nord-coréenne ne peut se faire sans son aval. Un rappel que le président chinois Xi Jinping en personne a déjà fait ces derniers mois en recevant Kim Jong-un à deux reprises sur le sol chinois, devenant ainsi le premier dirigeant étranger à le rencontrer.
Pour Kim Jong-un, recourir aux services de l'aviation chinoise peut être d'ordre purement pratique, "mais en même temps c'est un geste symbolique pour montrer à son peuple que la Chine soutient la Corée du Nord et qu'elle sera à ses côtés si jamais le processus de dénucléarisation avec les É tats-Unis ne fonctionnait pas", analyse Koh Yu-hwan, spécialiste de la Corée du Nord à l'Université Dongguk de Séoul.
La Chine, alliée de la Corée du Nord pendant la guerre de 1950-53, entend être partie prenante à tout hypothétique traité de paix et profiter d'une éventuelle ouverture économique de son voisin. Pas question dans ces conditions de laisser Pyongyang se jeter dans les bras de Washington. "La Chine doit faire preuve de vigilance face aux ruses possibles de la Corée du Sud et des É tats-Unis", a mis en garde Lu Chao, un expert chinois de la Corée du Nord, dans le quotidien officiel Global Times. Mais Pékin joue gros avec l'héritier de la dynastie des Kim, dont les prédécesseurs ont par le passé su habilement jouer de la rivalité entre Chinois et Américains.
"Pour Trump, il n'y a que le G2 : les USA et la Chine"
Une rivalité en passe de devenir une alliance après la rupture des États-Unis avec leurs traditionnels alliés du G7. Dans ce nouvel ordre mondial éclaté, la relation USA-Chine devrait donner le tempo du monde. "Pour Trump, il n'y a que le G2 : les USA et la Chine. Du fait de Trump, l'Europe devrait comprendre que l'ère de l'ordre économique multilatéral est terminée", analyse l'économiste suisse Thomas Straubhaar, de l'université de Hambourg. Car si Washington et Pékin sont adversaires, ils partagent la même méfiance pour le multilatéralisme.
"La stratégie de 'L'Amérique d'abord' de Trump et (le slogan) 'le rêve chinois' de Xi sont basés sur la même idée : que les deux superpuissances ont totale latitude pour agir selon leur propre intérêt", analyse Brahma Chellaney, professeur au Center for Policy Research de New Delhi, dans une tribune publiée fin mai.
"La relation entre les États-Unis et la Chine façonnera le 21e siècle", prophétisait Barack Obama le 27 juillet 2009. Son successeur en fera peut-être une réalité, mais bien différente de ce qu'imaginait Barack Obama à l'époque, quand l'Occident uni espérait faire accepter à la Chine ses règles du jeu.
Avec AFP