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En Arabie saoudite, des réformes dictées par la maison mère de Cambridge Analytica ?

Selon un article du New York Times, les plans réformistes du prince héritier saoudien auraient été dictés par les résultats d'études approfondies de la maison mère du cabinet britannique controversé Cambridge Analytica.

Le prince héritier Mohamed Ben Salmane a-t-il accordé aux Saoudiennes le droit de conduire grâce à une étude de la société Strategic Communication Laboratories (SCL) ? Ce groupe basé à Londres est la maison mère du cabinet britannique Cambridge Analytica (CA). Au cœur de plusieurs scandales, dont celui sur l’exploitation de données d'utilisateurs de Facebook à des fins politiques, CA a mis fin à ses opérations début mai.

Un article du quotidien amércain New York Times (NYT), daté du 31 mai, révèle que SCL a mené une étude très détaillée de la population saoudienne, à la demande du pouvoir royal. Et ce, à partir de 2015, année de la montée sur le trône du roi Salmane et du début de la montée en puissance de l’actuel prince héritier Mohammed ben Salmane, dit MBS. Devenu l’homme fort du pays, il a engagé la monarchie dans un plan de réformes économiques et sociales baptisé "Vision   2030", destiné à limiter la dépendance saoudienne au pétrole.

Les ambitions de modernisation du prince héritier, qui s’est façonné une image de réformateur éclairé dans un pays ultra-conservateur, alors que ses détracteurs l’accusent de chercher à verrouiller le pouvoir, auraient en réalité été dictées par les résultats d’études psychologiques.

Un manuel "machiavélique"

Selon le NYT, SCL a en effet fourni une feuille de route psychologique de l’Arabie saoudite et testé la faisabilité d’éventuelles réformes et leur impact sur la stabilité interne du pays. Parmi les propositions étudiées figurent notamment la fin de l’interdiction des cinémas dans le royaume, désormais levée par MBS. Une autre proposition concernait l’autorisation des Saoudiennes à conduire, qui sera effective le 24 juin, dans le dernier pays au monde qui interdisait aux femmes de prendre le volant.

Le NYT cite dans son article un consultant occidental, non impliqué dans le projet, qui qualifie le rapport de SCL de "machiavélique", le décrivant comme un manuel permettant aux monarques de gérer le ressentiment populaire en sachant où et quand lâcher du lest. Selon lui, les auteurs du rapport ont fait appel à des dizaines de panels pour étudier les niveaux de frustration et de satisfaction de la population, la légitimité de la famille royale et la structure politique de la pétromonarchie, et en conclure qu'il y avait un mécontentement généralisé dans le pays.

Opportunisme ou convictions sincères ? Difficile de le savoir, mais l'idée que se sont les résultats des études qui ont convaincu MBS de passer à l’action sans risque, laissent planer un doute sur ses intentions réelles.

D’autant plus qu’après avoir sorti la carte de l'émancipation des femmes en les autorisant à créer leur entreprise ou à entrer dans les stades, le prince héritier semble faire machine arrière. Depuis quinze jours, une dizaine de militantes ont été placées en détention. Et parmi elles, de grandes figures de la cause féminine que les médias d'État les ont qualifiées de "traîtres".