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La Fed veut redonner aux banques le droit de prendre plus de risques

La Réserve fédérale américaine a proposé, mercredi, de revenir sur la règle Volcker, l’une des mesures les plus emblématiques de l’ère Obama pour protéger les contribuables contre les excès de la finance.

Aux États-Unis, le secteur bancaire pourrait se transformer de nouveau en Far West. Dix ans après le début de la crise financière, la Fed (Réserve fédérale) a proposé, mercredi 30 mai, d’assouplir l’une des principales règles qui avaient été adoptées pour empêcher les banques de prendre des risques boursiers trop importants.

La Banque centrale américaine veut s’attaquer à la règle Volcker, qui interdit aux banques de détails de faire des paris boursiers pour leur compte avec l’argent des déposants. La nouvelle mouture du texte viendrait “simplifier” la mesure pour la rendre “plus efficace”, d’après Jerome Powell, le nouveau président de la Fed, nommé à ce poste le 5 février 2018 par Donald Trump.

Volcker 2.0

C’est un rêve qui devient (presque) réalité pour les banques américaines. Depuis 2010 et le vote de la loi, elles bataillaient contre son application, qu’elles jugeaient trop contraignante et qui rendait leurs activités boursières trop complexes.

La règle Volcker partait d’un bon sentiment : éviter que les contribuables ne paient pour les risques inconsidérés des banquiers. Avant 2008, les banques pouvaient utiliser l’argent de leurs clients – et qui était garanti par l’État – pour boursicoter à leur guise et faire des profits. En cas de perte, l’État intervenait pour rembourser les déposants. C’est ainsi que, durant la crise, les banques ont réussi aux États-Unis à faire éponger une partie de leur dette par les contribuables.

Mais l’interdiction édictée par la règle Volcker n’est toutefois pas absolue. Les banques peuvent toujours avoir recours à l'argent des clients, s’il est utilisé à leurs profits ou pour couvrir un pari risqué fait avec les fonds propres de l’établissement. D’où le problème : ces exceptions peuvent entraîner des audits et contrôles à répétition pour établir si les opérations boursières sont faites dans le respect de la règle Volcker.

Les banques ont utilisé le prétexte du casse-tête des tracasseries administratives pour contester le bien-fondé de cette mesure. Ainsi, la règle Volcker, érigée en symbole de l’effort de la réforme bancaire d’Obama de 2010 pour protéger les contribuables contre les excès de la finance, n’est entrée en vigueur qu’en 2015 après d’intenses tractations pour en définir précisément le champ d’application.

La règle Volcker 2.0, voulue par la Fed, limiterait les contrôles auxquels sont soumises les banques. Ces dernières auraient aussi moins de preuves à fournir pour établir la légitimité d’une opération boursière .

Pro-Wall Street à 100 %

C’est donc un assouplissement en bonne et due forme des règles de régulation bancaire qui est proposé par la Fed. Ce n’est pas le premier. Le Congrès a voté, le 22 mai, une annulation partielle de la réforme bancaire de 2010. Cette autre victoire pour Wall Street prévoit qu’il n’y aura plus désormais qu’une dizaine de très grandes banques qui seront soumises à l’intégralité des contrôles établis après la crise financière de 2010. Pour les républicains, cet allègement des obligations qui pesaient sur les “petites et moyennes banques leur permettra de se concentrer sur leur cœur de métier : financer les entreprises”.

Le Consumer Financial Protection Bureau (Bureau de protection des consommateurs) – un organisme créé à la suite de la crise financière – a aussi connu une inflexion très pro-Wall Street depuis la nomination en novembre 2017 de Mick Mulvaney, un proche de Donald Trump, à sa tête. Le nouveau directeur a abandonné les poursuites contre quatre organismes de prêts accusés d’imposer des taux trop élevés à leurs clients les plus défavorisés. Il a aussi annoncé son intention de faire disparaître une base de données recensant toutes les plaintes de consommateurs. Et, comme le souligne le Guardian, cet organisme n’a engagé aucune nouvelle procédure contre une banque ou une institution financière depuis lors.

Autant de changements qui vont dans le sens de la sacro-sainte mission que s’est fixée Donald Trump : faire du passé de l’ère Obama table rase. Le président américain s’est d’ailleurs réjoui de la proposition de la Fed, assurant qu’elle allait “être bonne pour l’économie” en donnant plus de liberté aux banques.

Mais il n’a rien dit sur un retour possible des excès bancaires de la période avant 2008. Pourtant, ils sont réels : “Le public a deux types de défense contre la témérité des banques : la réglementation et ceux qui la font respecter. Avec les réformes entreprises par Donald Trump, les contribuables n’ont plus qu’à espérer que ceux qui contrôlent les grandes banques seront très efficaces”, conclut le New York Times. Les débuts de Mick Mulvaney au Consumer Financial Protection Bureau ne vont pas les rassurer.