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À Cologne, en Allemagne, Ford s’apprête à ouvrir les portes d’un laboratoire assez hors du commun : un centre où les pires conditions météorologiques de notre planète peuvent être récréées afin de mettre à l’épreuve les futurs véhicules.

Il y a trois ans à peine, c’était encore un terrain vague. Aujourd’hui, cette zone aussi grande que deux terrains de football, située dans le quartier de Niehl, dans la ville allemande de Cologne, accueille un laboratoire inédit en Europe : un "centre de test automobile environnemental", ouvert par le constructeur américain Ford afin de soumettre ses voitures aux conditions climatiques les plus extrêmes.

Inédit par son ampleur, et par les technologies qu’elle renferme, cette "fabrique météo", comme la marque la surnomme, est capable de recréer à peu près tous les climats existants pour vérifier que les Ford Fiesta, Focus et autre Ranger résisteront quoiqu’il arrive lorsqu’ils seront en circulation sur les routes du monde entier. Chaleur sèche et écrasante d’un désert, froid polaire, humidité extrême d’une forêt tropicale, pluie battante, vents violents, et même haute-altitude… Aucun environnement cauchemardesque ne manque à l’appel. Avant même de pénétrer dans le complexe, dans lequel les tests devraient officiellement débuter d’ici quelques semaines, j’angoisse déjà à l’idée d’entrer dans une pièce dans laquelle il fait -40 degrés (et d’y rester coincée, accessoirement).

Car chacun de ces climats est reproduit dans des salles dédiées et hermétiquement fermées, séparées d’une salle de contrôle par une épaisse vitre. Si en temps normal, seules les voitures seront amenées à subir les foudres du ciel récréées artificiellement, les équipes de Ford nous ont donc donné exceptionnellement accès à l’intérieur des sas. Mon périple commence.

Je m’apprête à pénétrer dans le + vaste centre de "test environnemental" automobile d’Europe, inauguré par @Ford à Cologne. Je vais tenter de survivre à :
-l’une des pires forêts tropicales
-une tempête de neige
-un désert aride
-l’altitude du camp de base de l’Everest. pic.twitter.com/VWRZIyRX17

— Marine Benoit (@marin_eben) 17 mai 2018

On nous fait entrer dans la salle "tropiques", où même la végétation tropicale n’a pas été omise. C’est ce qui s’appelle avoir le souci du détail. Il y fait une chaleur étouffante, aussi moite que dans un hammam. "Ici, 28 lampes de 4 000 watts peuvent monter la température jusqu’à 55 degrés. Le taux d’humidité peut également être poussé jusqu’à 95 %", nous explique un ingénieur, alors que j’essaye péniblement de respirer. L’idée est bien sûr de savoir comment les matériaux des véhicules vont réagir à une telle atmosphère. En moins de trois minutes, une goutte commence à perler sur mon front. Il faut que je sorte, où je risque de me transformer en flaque. 

On m’embarque ensuite dans une pièce où là encore, l’humidité est reine. Et pour cause : installé face à l’emplacement dédié aux voitures, une gigantesque soufflerie simule des tempêtes avec des vents à 160 kilomètres/heure et une pluie battante. L’objectif est cette fois de s’assurer de l’étanchéité de l’habitacle, mais surtout de l’efficacité des essuie-glaces lorsqu’un déluge pareil s’abat sur le pare-brise. 

Direction la salle "Grand Nord", pour un bon petit choc thermique en perspective. Avant d’y pénétrer, on me tend une doudoune et une paire de gant. Heureusement, la température n’y atteint à ce moment-là que -12 degrés, bien qu’une épaisse couche de neige recouvre la voiture qui s’y trouve. Lorsque les fonctions y sont poussées au maximum, il peut y faire jusqu’à -40 degrés et y tomber 20 centimètres de neige en 4 heures. Ici, les experts s’assurent que le moteur ou encore le système électrique résistent au froid, mais d’autres spécialistes, comme les designers des engins, y réalisent leur propres observations : comment la neige présente sur le toit va-t-elle tomber sur le siège conducteur lorsque ce dernier ouvrira sa portière avant ? Comment les stalactites vont-ils se former sous le châssis ? 

On nous dirige enfin vers la salle la plus spectaculaire : celle qui reproduit les conditions du camp de base de l'Everest, soit une altitude d’environ 5 200 mètres. À cette hauteur, il est par exemple crucial de vérifier que les liquides divers présents dans les véhicules sont stables. Pour justifier un tel dispositif, Ford nous explique que "plus de la moitié de ses véhicules commercialisés dans le monde roulent dans des pays dont les routes dépassent les 1 000 mètres d’altitude."

Un investissement conséquent… et nécessaire

Pour faire sortir ce complexe de pointe de terre, Ford a déboursé par moins de 70 millions d’euros. Évidemment, en comparaison avec l’investissement nécessaire à l’ouverture d’une usine de fabrication de voitures — entre 300 et 600 millions d’euros —, l’engagement financier ne paraît pas si énorme. Malgré tout, on peut se demander pourquoi Ford a décidé de construire sa propre "fabrique météo" géante, quand on sait que la plupart des autres constructeurs n’en ont pas. "C’est une décision stratégique", justifie Michael Steup, chargé du projet chez Ford. "D’abord, cela nous évite d’être forcés de réaliser des tests en conditions réelles : envoyer une voiture sur la banquise ou dans un désert reste toujours une opération coûteuse… et malheureusement dépendante de la météo, la vraie." Désormais, les équipes de Ford ont tout sous la main, quand elles le veulent.

À condition d’obtenir une place sur le planning : "Même si nous pourrons y tester dix véhicules simultanément, avec des rotations de deux équipes par jour, durant 250 jours par an, nos salles de test sont déjà toutes complètes pour les mois à venir. Nous avons du mal à répondre à la demande", confesse Michael Steup. Avec un marché européen de l'automobile en hausse en 2018 (+ 4,3 % en février 2018 par rapport au même mois de l'année passée), l'agenda de la "fabrique météo" risque de ne pas se libérer de sitôt.

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