Le président italien Sergio Mattarella a nommé mercredi Giuseppe Conte à la présidence du Conseil. Le nom de ce parfait inconnu avait été proposé conjointement par le Mouvement 5 Étoiles et par la Ligue pour diriger le prochain gouvernement italien.
Quoi de mieux qu’un néophyte pour sauter dans l’inconnu ? Alors que l’Italie inquiétait déjà ses voisins européens en raison de l’alliance inattendue entre le Mouvement 5 Étoiles (M5S) et la Ligue, elle vient tout juste de franchir un stade de plus en portant à la tête de son gouvernement un homme qui n’avait jusqu’ici jamais fait de politique.
Sur proposition des leaders du parti antisystème M5S, Luigi Di Maio, et de la formation d’extrême droite la Ligue, Matteo Salvini, le président italien Sergio Mattarella a en effet nommé président du Conseil, mercredi 23 mai, Giuseppe Conte.
"Je suis conscient de la nécessité de confirmer la place de l'Italie en Europe et dans le monde", a déclaré ce dernier à la presse à la sortie d'un entretien de près de deux heures avec le président Mattarella. "Je me prépare maintenant à défendre les intérêts de tous les Italiens devant toutes les instances européennes et internationales, en dialoguant avec les institutions européennes et les représentants des autres pays. Je veux être l'avocat qui défendra le peuple italien", a-t-il ajouté.

Âgé de 54 ans, originaire d’un tout petit village de la région des Pouilles, dans le sud-est de l’Italie, Giuseppe Conte est un proche de Luigi Di Maio, qui avait mis en avant son profil lors de la campagne en vue des élections législatives du 4 mars dernier, le présentant comme un expert de l’administration. Diplômé de droit de l’Université de Rome, où il est aujourd’hui à la tête d’un cabinet juridique, également professeur à l’Université de Florence, le nom de Giuseppe Conte avait en particulier été cité pour devenir ministre d’un gouvernement M5S chargé de "débureaucratiser" l’administration publique. Il avait notamment promis d'"abolir drastiquement les lois inutiles", ajoutant qu'il y en avait "bien plus" que les 400 lois superflues citées précédemment par Luigi Di Maio.
Un jouet entre les mains de Di Maio et Salvini ?
Et à part ça ? Quelle pensée politique pour celui qui doit désormais présider au destin de la quatrième puissance économique européenne ? Mystère ! Giuseppe Conte a affirmé à l’agence italienne Ansa avoir "voté à gauche" par le passé, mais estime que "les schémas idéologiques des années 1900 ne sont plus pertinents". Pour le reste, il faudra attendre de le voir en action, d’autant que les conditions de sa nomination pourraient laisser supposer qu'il sera un jouet entre les mains de Luigi Di Maio et Matteo Salvini.
Son arrivée à la tête du Conseil italien est en effet le résultat de tractations ardues entre le M5S et la Ligue. Chacun des deux responsables ayant exclu que l'autre devienne président du Conseil, le choix d'une tierce personne s’est imposé, d’autant que cette option était la plus populaire auprès des Italiens, selon un sondage publié dimanche 20 mai.
"La situation est plutôt bizarre et inédite", avertit Giovanni Orsina, professeur de sciences politiques à l'Université Luiss de Rome. "Tout dépend de sa personnalité, ajoute le politologue. Il a été placé là pour suivre à la lettre les ordres des partis, mais le poste de président du Conseil possède sa propre autonomie et c'est lui qui devra assurer la cohérence de l'ensemble."
Accusé d'avoir gonflé son CV
En attendant, Giuseppe Conte doit faire face à une première polémique, son CV de douze pages, mis en ligne par le Mouvement 5 Étoiles, ayant visiblement été quelque peu gonflé.
Giuseppe Conte y affirme avoir "approfondi ses études de droit" dans de nombreuses universités étrangères, dont celles de New York, de Cambridge et de la Sorbonne, à Paris. Mais la presse n’a pas obtenu confirmation auprès des institutions concernées.
"Ce nom n'apparaît dans aucun de nos registres des étudiants ou du corps professoral", a déclaré au New York Times une représentante de l’Université de New York, sans exclure que Conte ait pris part à des formations d'un ou deux jours, qui ne donnent lieu à aucun enregistrement.
À l'Université de Cambridge, qu'il dit avoir fréquentée en septembre 2001, mois pendant lequel il n'y a d'ordinaire pas de cours, on se refuse à tout commentaire. De source proche de l'établissement, on assure en revanche qu'il n'y a pas trace de son passage. Il est toutefois possible qu'il y ait assisté à une formation organisée par une tierce partie, a-t-on ajouté.
La Sorbonne fait quant à elle savoir que des vérifications sont en cours pour déterminer quelles recherches Conte a pu y mener.
"S'il n'a pas étudié à l'Université de New York, quelles sont les garanties que le reste du CV soit vrai ?", a commenté Michele Anzaldi, député du Parti démocrate (centre gauche). L’inquiétude des Européens n’est pas prête de se dissiper.
Avec AFP et Reuters