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Législatives en Irak : Moqtada al-Sadr vainqueur, au grand dam de Téhéran et Washington

La liste de l'imam chiite Moqtada al-Sadr a remporté les législatives en Irak, a annoncé, samedi, la commission électorale. Alors qu'il est loin d'être assuré de gouverner, Américains et Iraniens ont dépêché leurs émissaires pour faire barrage.

Les résultats définitifs des législatives irakiennes ont confirmé tôt, samedi 19 mai, la victoire de la liste "La marche pour la réforme" de l’imam chiite Moqtada al-Sadr, aux dépens de celle du Premier ministre Haïdar al-Abadi, candidat sortant soutenu par la communauté internationale.

Après un long décompte et plusieurs reports de l'annonce officielle des résultats finaux, l'alliance inédite entre l'influent leader nationaliste et les communistes remporte 54   sièges, à l'issue d’un scrutin marqué par une abstention record. La liste des anciens du Hachd al-Chaabi, milice supplétive de l'armée irakienne dans la lutte contre l’organisation État islamique (EI), s’est adjugée 47   sièges, contre 42 pour "l'Alliance de la Victoire", emmenée par Haïdar al-Abadi.

Et dans un système calibré pour fractionner le Parlement après la chute du dictateur Saddam Hussein en 2003, le camp de Moqtada al-Sadr est loin d'être assuré de gouverner l'Irak pour les quatre prochaines années.

Des possibilités d'alliances très ouvertes

Alors que les négociations pour former une coalition gouvernementale avaient déjà débuté dès la fin du vote il y a une semaine, sous le haut patronage des deux   puissances agissantes en Irak – les États-Unis et l'Iran –, qui rejettent toutes deux le turbulent Moqtada al-Sadr, les possibilités d'alliances restent ouvertes.

L’imam chiite de 44   ans a eu beau proclamer sur Twitter aussitôt les résultats annoncés que "la réforme a gagné et la corruption est affaiblie", il fait face à un contexte régional tendu. Si la République islamique iranienne et l’administration Trump sont à couteaux tirés depuis le retrait des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien, la personnalité et le parcours de cet ancien chef d'une puissante milice anti-américaine, devenu le héraut des manifestations anti-corruption, pose autant problème aux deux puissances ennemies.

Téhéran et Washington veulent barrer la route de Moqtada al-Sadr

Deux jours après le vote, l'influent général iranien Ghassem Soleimani, émissaire de Téhéran qui s’ingère régulièrement dans les affaires irakiennes, arrivait à Bagdad pour rassembler les forces chiites conservatrices. Son objectif   : faire barrage à Moqtada al-Sadr.

Pour ce faire, il peut compter, assurent les commentateurs, sur l'ancien Premier ministre Nouri al-Maliki --qui n'a toujours pas digéré d'avoir été écarté en 2014 et sur le Hachd, dont la tête de liste, Hadi al-Ameri, est pro-iranien.

Les États-Unis, qui se rappellent de sa puissante "Armée du Mahdi" qui a ensanglanté les rangs de leurs troupes dans la foulée de l'invasion de 2003, eux aussi, ont envoyé leur émissaire Brett McGurk. Ce dernier a entamé une tournée de rencontres avec les dirigeants des forces politiques, à Bagdad mais aussi dans la région autonome du Kurdistan, pour tenter d'influer sur le gouvernement qui dirigera l'Irak.

Dans ce contexte, Moqtada al-Sadr "va probablement essayer de former une large coalition, en incluant des partis chiites, potentiellement la liste de Abadi, sunnites et kurdes", explique à l'AFP Raphaele Auberty, chercheuse au sein du think-tank BMI.

Incontournables pour obtenir la majorité au Parlement, les sunnites, dont les deux principales listes comptent 35   députés élus, et les Kurdes, avec une cinquantaine de sièges, sont courtisés par les principaux gagnants. Mais, poursuit Raphaele Auberty, si le leader chiite parvient à mettre sur pied une coalition, "la fragmentation du paysage politique va compliquer les prises de décisions".

Avec AFP