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Sa réforme de l'UE au point mort, Macron bouscule Merkel

Emmanuel Macron a reçu, jeudi, le prestigieux prix Charlemagne qui récompense sa "vision forte pour une nouvelle Europe". Il en a profité pour exhorter Angela Merkel à le rejoindre sur ses propositions de réforme de l’Union européenne.

Assez de temps perdu. C’est sans doute ce qu’a dû se dire Emmanuel Macron, jeudi 10 mai, à Aix-la-Chapelle, au moment de prononcer son discours après avoir reçu le prestigieux prix Charlemagne, qui récompense chaque année une personnalité pour sa "contribution à l’unification européenne".

"N’attendons pas. Agissons maintenant ! », a lancé le président français à son auditoire, et en particulier à la chancelière allemande, Angela Merkel, pour la convaincre de le suivre dans sa volonté de transformer l’Union européenne.

Après avoir rappelé que "la France a changé" car elle a "fait ses réformes" et qu’elle "continuera à les faire", Emmanuel Macron a affirmé qu’il ne pouvait "y avoir en Allemagne de fétichisme perpétuel pour les excédents budgétaires et commerciaux qui sont faits aux dépens des autres". Des mots durs censés piqués la chancelière allemande au vif, alors que les discussions entre Paris et Berlin achoppent notamment sur les propositions françaises visant à doter la zone euro d'un budget d'investissement pour doper la croissance.

LIVE | À l’heure de l’épreuve de vérité pour l’Europe, le Président @EmmanuelMacron reçoit le Prix Charlemagne et réaffirme sa détermination sans faille à refonder l’Europe.
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  Élysée (@Elysee) 10 mai 2018

Le paradoxe, jeudi matin, était pour le moins saisissant. Le président français a été honoré pour "sa vision forte pour une nouvelle Europe", qu’il avait présentée en septembre lors d’un discours à la Sorbonne. Mais sept mois et demi plus tard, le constat est amer : ses propositions ambitieuses – qu’il a une nouvelle fois rappelées en recevant le prix Charlemagne – n’ont pas suscité beaucoup d’enthousiasme sur le Vieux Continent. Et alors qu’Emmanuel Macron espérait convaincre rapidement Angela Merkel, celle-ci se montre particulièrement réticente à le suivre.

Divergences sur l’avenir de la zone euro

Sur la réforme de la zone euro, notamment, Paris propose une intégration plus poussée en créant "un budget propre" accompagné de recettes fiscales spécifiques, la création d’un Parlement et d’un ministre des Finances de la zone euro. La France propose également une réforme du mécanisme européen de stabilité qui aide les pays de la zone euro en grande difficulté.

Mais Berlin appelle à privilégier les "efforts nationaux" pour respecter le pacte de stabilité et craint que les propositions françaises n'aboutissent à mutualiser les dettes dans la zone euro et accroissent trop la contribution allemande au budget de l'UE.

Même constat sur l’Union bancaire : Angela Merkel refuse la création d'un fonds européen de garantie bancaire des dépôts des particuliers. Pour Berlin, il faut que "les banques de tous les pays de la zone euro, principalement en Italie ou en Grèce, soient assainies au niveau national avant d'envisager une garantie européenne commune". Paris, de son côté, plaide pour une gestion commune des faillites des banques dès que possible.

France et Allemagne ont toutefois toujours pour objectif de présenter en juin une feuille de route commune pour des réformes de l'Europe post-Brexit en vue d'un sommet européen sur le sujet. Mais parce qu’il sent probablement que son projet européen patine, Emmanuel Macron a tenté jeudi de bousculer Angela Merkel.

Nécessité de "construire la souveraineté européenne"

Le président français s’est notamment servi de l’actualité internationale, critiquant sans le nommer Donald Trump et sa décision de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien, pour souligner l’importance d’une Union européenne forte et unie.

Nous sommes, nous Européens, co-dépositaires d’un multilatéralisme que je crois fort. #Karlspreis pic.twitter.com/lRiwkPhyAV

  Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 10 mai 2018

"Si nous acceptons que d'autres grandes puissances, y compris alliées, y compris amies dans les heures les plus dures de notre histoire, se mettent en situation de décider pour nous notre diplomatie, notre sécurité, parfois en nous faisant courir les pires risques, alors nous ne sommes plus souverains", a-t-il alerté. "Nous avons fait le choix de construire la paix et la stabilité au Proche et au Moyen-Orient [...] D'autres puissances, tout aussi souveraines que nous, ont décidé de ne pas respecter leur propre parole. Devons-nous renoncer pour autant à nos propres choix ? Devons-nous céder à la politique du pire ?", a-t-il encore interrogé, insistant sur la nécessité de "construire la souveraineté européenne".

Parviendra-t-il à convaincre Angela Merkel ? "Ce sont des discussions difficiles car nous avons des cultures politiques et des manières d'approcher les sujets européens différentes", a-t-elle reconnu dans son éloge pour le prix accordé à Emmanuel Macron avant de lui céder la parole. Et si la chancelière allemande promet de "renforcer la zone euro" pour "la rendre plus compétitive", il faudra encore attendre pour savoir si elle finit par prendre la main que lui tend le président français.