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"Golden state killer" : le suspect accablé par le témoignage ADN de ses ancêtres

La piste ADN qui a mené à l'arrestation, fin avril, de l'ex-policier Joseph DeAngelo, soupçonné d'être le "tueur du Golden State", ayant sévi aux États-Unis dans les années 1970, se précise. Et elle remonte jusqu'au XIXe siècle.

Joseph DeAngelo, 72 ans, n’aurait jamais imaginé qu’il serait trahi par l’ADN de ses arrière-arrière-arrière-grands-parents. Ce sont pourtant ses ancêtres qui ont mis la police américaine sur la piste de celui qui est soupçonné d’être le tueur et violeur en série surnommé "Golden state killer". Une prédateur californien qui avait échappé aux forces de l’ordre pendant plus de quarante ans.

Cet ancien policier a été inculpé pour meurtres le 27 avril, après un travail de fourmi dans un labyrinthe généalogique, décrit par le Washington Post, lundi 30 avril. Au cœur de l’affaire, une petite start-up de comparaison d’ADN et un ex-enquêteur obstiné du bureau du procureur.

Paul Holes s’était juré d’attraper le "tueur du Golden state" avant sa retraite. Il a manqué l’échéance à trois semaines près, comme il l’a raconté au quotidien californien Mercury News. Pendant 24 ans, il a traqué ce criminel qui a terrorisé la Californie dans les années 1970 et 1980, responsable d’une douzaine de meurtres et de plus cinquante viols.

Cousins éloignés

En 2017, l’enquêteur se tourne vers le site GEDmatch, qui propose de comparer gratuitement un échantillon d'ADN avec une base de données de plus d’un million d’autres empreintes afin de retrouver d’éventuels cousins ou ancêtres. Cette start-up, loin des acteurs établis de l’analyse d’ADN ou de la recherche généalogique comme 23andMe ou Ancestry.com, est gérée par deux personnes depuis la Floride.

C’est cette petite entreprise qui a ouvert la première porte menant à l’identification de Joseph DeAngelo. En important sur le site un échantillon d’ADN du tueur en série prélevé en 1980, Paul Holes a pu retrouver la trace d’une vingtaine de personnes partageant des bouts d’ADN avec le "Golden state killer".

Il s’agissait de cousins très éloignés, mais en remontant leurs arbres généalogiques respectifs, l’enquêteur californien a pu établir qu’ils avaient tous des ancêtres communs au début du XIXe siècle. Après avoir retrouvé les arrière-arrière-arrière-grands-parents de la tribu, Paul Holes a emprunté le chemin inverse dans le temps pour établir un tableau complet de leur descendance.

La conviction de l’enquêteur était que quelque part dans cet arbre généalogique géant devait se trouver le coupable. Mais encore fallait-il retrouver la trace de tous les membres de cette famille. "Lorsqu’on remonte aussi loin dans le temps, les arbres généalogiques deviennent rapidement gigantesques", a reconnu Paul Holes au Washington Post.

Il a utilisé les archives des recensements, des journaux, les bases de données policières et a même compilé les registres de cimetières pour finaliser son "who's who". "En avril 2018, lui et son équipe avaient réussi à identifier 25 branches familiales, toutes liées aux mêmes arrière-arrière-arrière-grands-parents", raconte le Washington Post. Joseph DeAngelo se trouvait dans une lignée qui comptait environ 1 000 autres personnes.

Et la vie privée ?

Paul Holes a ensuite appliqué les méthodes traditionnelles d’enquête pour éliminer les suspects. Il recherchait des personnes d'un certain âge qui pouvaient, géographiquement, être reliés aux différents lieux des crimes. Finalement, deux noms sont ressortis, dont celui de Joseph DeAngelo, un officier de la police de Sacramento à la retraite. Ce dernier a été mis sous surveillance et les enquêteurs ont pu récupérer un objet jeté par le suspect, sur lequel ils ont prélevé un échantillon d'ADN qui s'est révélé être identique à celui du tueur du Golden state.

Fin de l’histoire ? Pas tout à fait, car le rôle joué par GEDmatch dans cette affaire a suscité de vives inquiétudes quant à l’utilisation et la disponibilité de bases de données aussi personnelles que l’ADN. L'enquête de Paul Holes a prouvé "que la popularité croissante des tests ADN fait que beaucoup d’entre nous ont des morceaux de leur génome qui se retrouvent en ligne, même sans avoir jamais fait eux-mêmes de prélèvements", souligne le site Ars Technica. Il suffit qu’un cousin au troisième degré ait décidé de partager son ADN avec le monde sur un site comme GEDmatch. Car pour accéder à l’immense base de données de ce service, il suffit de se créer un compte gratuit.

"J’ai été stupéfait de ce qu'on pouvait faire avec cet outil", a reconnu Paul Holes dans le New York Times. D'autres sont moins enthousiastes : "Il [le "Golden state killer", NDLR] était un être horrible, mais est-ce que la fin justifie les moyens ?", s’interroge Malia Fullerton, spécialiste de l’éthique dans les enquêtes policière à l’université de Washington.

Les responsables du site GEDmatch ont, d’ailleurs, rapidement compris qu’il y avait un problème. Ils ont assuré, sur leur site, "n’avoir pas été contactés par les forces de l’ordre pour ces recherches généalogiques". Mais ils ont aussi reconnu que comme le site est public et gratuit, les personnes qui mettent leur ADN en ligne "doivent être conscientes que le service peut être utilisé pour d’autres raisons, comme l’identification de parents qui auraient pu commettre des crimes ou ont été victimes de crimes".