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L'Égyptien qui a tout à gagner d'une détente entre les États-Unis et la Corée du Nord

Le milliardaire égyptien Naguib Sawiris a appelé de ses vœux une détente entre Washington et Pyongyang. Normal : il est l’un des hommes d’affaires qui a pris le plus de risques financiers en Corée du Nord et pâtit donc des sanctions internationales.

Il croise très fort les doigts pour que le président américain Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un s’entendent lors de leur éventuelle future rencontre au sommet. Le milliardaire égyptien Naguib Sawiris a confié à la chaîne Bloomberg, lundi 30 avril, qu’un début de détente diplomatique et économique entre les deux pays serait très bénéfique pour ses affaires.

Naguib Sawiris est sans doute l’homme d’affaires qui a le plus parié sur la Corée du Nord. Il y a investi des centaines de millions de dollars. Une démarche qui lui a souvent été reprochée alors que le pays est frappé par des sanctions internationales et mis au banc du concert des nations.

De la 3G pour les Nord-Coréens

Le milliardaire égyptien, à la tête d’un empire des télécoms et de plus de 4 milliards de dollars de fortune personnelle, est devenu l’incarnation des relations économiques qu’entretiennent l’Égypte et la Corée du Nord depuis les années 1970. Il est aussi l’homme par qui les téléphones portables sont arrivés entre les mains des Nord-Coréens.

Il a établi une filiale nord-coréenne de son opérateur téléphonique Orascom en 2008. Pour mettre un pied dans ce très isolé pays, Naguib Sawiris s’est associé avec l’opérateur national des télécommunications. Ensemble, ils ont lancé Koryolink, qui a été le premier service – et longtemps le seul – à proposer un réseau téléphonique 3G aux Nord-Coréens.

Koryolink a rapidement rencontré un succès commercial. En décembre 2008, deux semaines après son lancement, plus de 6 000 personnes avaient souscrit un abonnement. Un exploit dans un pays où il faut obtenir une autorisation des autorités pour posséder un téléphone portable. Au fil des ans, le réseau Koryolink s’est étendu et compte actuellement entre 2 et 3 millions d’abonnés, sur une population totale estimée à 25 millions d’habitants.

En parallèle, Naguib Sawiris a aussi établi une banque, Orabank, et a contribué à relancer la construction d’un gigantesque hôtel de 105 étages en plein cœur de Pyongyang. La première pierre de ce bâtiment, un serpent de mer de la propagande nord-coréenne, avait été posée en 1987, mais les travaux avaient dû être arrêtés en 1992, faute de financement. Orascom a ressuscité le projet, mais en 2017 des aménagements étaient toujours en cours et l’hôtel n’avait toujours pas ouvert au public.

Un demi-milliard de dollars bloqué

L’implication de Naguib Sawiris dans l’économie nord-coréenne lui a valu d’être accueilli en 2011 par Kim Jong-il, père de Kim Jong-un, alors à la tête du pays. Mais, à part la photo souvenir et la poignée de main, l’homme d’affaires égyptien n’a pas été récompensé pour ses efforts financiers dans le pays.

En effet, il a dû fermer Orabank en 2016 à cause des sanctions internationales et personne ne sait si l’hôtel va un jour ouvrir ses portes. Le destin de la filiale locale d’Orascom n’est pas plus enviable. Dès que Koryolink a commencé à générer des profits, la relation commerciale avec les autorités locales s’est envenimée. Naguib Sawiris, qui détient 75 % des parts de l’opérateur nord-coréen, s’est heurté à un obstacle financier lorsqu’il a voulu rapatrier une partie des bénéfices. Il lui fallait d’abord changer les wons nord-coréens gagnés sur place en dollars, car la monnaie locale n’a aucune valeur en dehors du pays. Naguib Sawiris avait exigé que les autorités appliquent le taux de change officiel et demandait ainsi le versement de 585 millions de dollars. Le régime lui a rétorqué qu’il n’était prêt à payer qu’au taux du marché noir et lui offrait seulement… 7,2 millions de dollars.

Les deux partenaires commerciaux n’ont jamais réussi à se mettre d’accord et l’homme d’affaires égyptien attend depuis plus de cinq ans de pouvoir retirer l’argent de Corée du Nord. Entre temps, Pyongyang a lancé un concurrent à Koryolink, en 2015. Las, Orascom a décidé de remettre officiellement les clefs de la direction de Koryolink aux autorités nord-coréennes en 2016, tout en conservant 75 % du capital de cette société qui n’est officiellement plus une filiale d’Orascom.

Naguib Sawiris a reconnu sur la chaîne Bloomberg qu’une détente des relations entre les États-Unis et la Corée du Nord pourrait être un premier pas vers un allègement des sanctions internationales. Il pourrait peut-être ainsi enfin rapatrier le demi-milliard de dollars que Pyongyang ne veut pas laisser sortir.