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L'organisation clandestine indépendantiste basque ETA a reconnu le "mal" qu'elle a causé pendant sa lutte armée et a demandé pardon aux victimes. Une étape supplémentaire dans le processus de sortie du conflit basque.
Après avoir rendu les armes il y a un an, l’organisation basque Euskadi Ta Askatasuna (ETA, "Pays basque et liberté", en français) a présenté ses excuses à ceux qui ont pâti de ses actions, vendredi 20 avril. "Nous avons causé beaucoup de douleur et des dommages irréparables. Nous voulons manifester notre respect aux morts, aux blessés et aux victimes des actions de l'ETA... Nous le regrettons sincèrement", déclare l'organisation dans un communiqué que publie Gara, canal habituel de communication de l’organisation clandestine.
L’ETA entend "reconnaître par cette déclaration le mal causé au cours de sa trajectoire armée" et demande clairement "pardon" aux victimes de sa "lutte armée" : "Notre action a nui à des citoyens et des citoyennes sans aucune responsabilité. Nous avons aussi causé des torts graves qui ne sont pas réparables. Nous demandons pardon à ces personnes et à leurs familles".
"La demande de pardon est adressée à un grand nombre de victimes", estime Jean-Pierre Massias, professeur de droit public à l'université de Pau et des Pays de l'Adour. Joint au téléphone par France 24, il rappelle "le traumatisme et le préjudice évidents" générés par la lutte armée de l’ETA. Des décennies de lutte contre l’État espagnol qui ont coûté la vie à 829 personnes, selon les autorités, et qui ont pris fin en octobre 2011, date à laquelle l'ETA a annoncé l'arrêt définitif de ses actions armées.
"Toutes les souffrances peuvent être entendues"
Mais si l’ETA accepte de reconnaître ses "torts graves", elle affirme aussi qu'elle n'est pas seule responsable des souffrances au Pays basque espagnol : "La souffrance existait avant la naissance de l'ETA et a continué après qu'elle a cessé la lutte armée". Une façon de pointer, sans le nommer, la responsabilité de l’Etat espagnol dans les souffrances que celui-ci aurait pu engendrer pendant des dizaines d'années.
L'ETA demande à "tous de reconnaître les responsabilités et les torts causés". Un propos qui "ouvre la possibilité d’une reconnaissance des violences commises de chaque côté", explique Jean-Pierre Massias. Et de poursuivre : "L’idée, c’est que toutes les souffrances sont exposées et peuvent être entendues. L'ETA a fait sa part dans les souffrances commises". De son côté, le gouvernement espagnol estime que le communiqué de l’ETA "n'est qu'une nouvelle conséquence de la force de l'État de droit qui a vaincu l'ETA avec les armes de la démocratie".
Mais quelle serait la part de responsabilité de l’État espagnol dans les "souffrances commises" ? En juin 2016, le gouvernement basque a publié un rapport détaillant 4 000 cas de tortures commis sur des prisonniers politiques entre 1960 et 2013 par les forces armées espagnoles – des accusations qui ont toujours été réfutées par le gouvernement. Même s'il y a encore actuellement "plusieurs centaines" de prisonniers politiques dans les prisons espagnoles et "59 personnes dans les prisons françaises", selon Jean-Pierre Massias.
"Bâtir une société basque post-conflit où tout le monde peut vivre ensemble"
Le communiqué de l’ETA peut aussi être compris à un autre niveau comme "une étape supplémentaire dans un processus plus global" de sortie du conflit basque, explique Jean-Pierre Massias. Un processus entamé depuis plusieurs années et qui devrait atteindre son paroxysme au début du mois de mai prochain, avec la probable dissolution de l’ETA.
"Le médiateur en charge du dossier (de processus de paix), dans une interview donnée hier [jeudi] aux médias espagnols, expliquait que cette dissolution pourrait intervenir très rapidement, dès le premier week-end du mois de mai", précise Charles Diwo, correspondant de France 24 à Madrid.
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Dans le cadre de ce processus global de paix, la déclaration de l’ETA sert à "préparer les conditions d’une recherche de la vérité et d’une éradication de la violence" au Pays basque, précise Jean-Pierre Massias. Et d’ajouter : "Il s’agit de bâtir une société post-conflit où tout le monde peut vivre ensemble". Avec les centaines de morts d’un côté et les milliers de cas présumés de tortures de l’autre, "on ne sort pas de cette situation comme ça [uniquement avec une dissolution de l’ETA, NDLR] ", affirme le professeur de droit public.
Dans une note explicative publiée en plus de son communiqué, l’ETA rappelle "qu’aujourd’hui encore, de nombreuses actions violentes produites au Pays basque ne sont assumées par personne". Avant d’espérer : "La vérité (…) viendra très certainement de l’impulsion de la société civile, des acteurs et des représentants institutionnels de bonne foi".