Les étudiants qui occupaient l'université de Paris-Tolbiac ont tous été délogés par les forces de l'ordre vendredi matin. Mais ils préviennent que leur combat n'est pas terminé. Reportage.
Depuis le 26 mars, ils étaient des dizaines, voire des centaines d’étudiants à occuper la fac Paris-I Tolbiac contre la réforme des universités du président Emmanuel Macron. Vendredi 20 avril, à l’aube, une centaine de policiers anti-émeute les ont chassés par la force de l’enceinte de l’établissement.
"J’étais en train de dormir lorsqu’ils sont arrivés, raconte Juliette, 19 ans, étudiante en droit et histoire, qui a participé au blocage de la fac depuis le début. C’est arrivé tellement vite que j’ai à peine eu le temps de mettre mon pull et mon pantalon. Toutes mes affaires sont restées là-bas, y compris mes deux sacs et mon ordinateur, très important pour moi."
L’intervention de la police a marqué Juliette : "C’était comme si, d’un coup, des bâtons s’étaient mis à pleuvoir sur nous. On savait bien qu’on serait évacués à un moment donné, mais on n’était pas préparés à ça. Ils nous ont encerclés et ont essayé de nous faire sortir un par un, mais on a formé une chaîne humaine pour tenter de nous protéger les uns les autres. C’est là qu’ils ont commencé à nous attraper et à nous frapper. Ils m’ont frappée ici", dénonce-t-elle en montrant sa jambe. "C’était très violent, trois personnes sont à l’hôpital."
Larmes et colère
Dans la rue, en face de l'université dans le 13e arrondissement de Paris, quelque 150 étudiants se sont rassemblés pour soutenir leurs camarades expulsés. Un mélange de colère et de tristesse domine. Alors que certains étudiants semblent agités par la présence des médias, demandant aux journalistes de prendre leurs affaires et de s’en aller, d’autres ont visiblement passé la matinée à pleurer, assis sur le trottoir, consolés par leurs amis. Une grosse tache de sang recouvre le pantalon de l’un d’entre eux.
"Je suis triste, bien sûr, mais à présent, je suis encore plus déterminée. C’est loin d’être fini", prévient Juliette. À la mi-journée, 200 étudiants environ, rejoints par certains représentants de la gauche radicale tel Éric Coquerel de La France insoumise, se sont rassemblées à l’extérieur du campus pour manifester leur solidarité avec leurs camarades évacués.
Partiels manqués
Dimitri, un étudiant de 22 ans en troisième année d’histoire, a manqué trois partiels sur quatre à cause des événements récents. "C’est pour des raisons de sécurité, explique-t-il. On ne sait toujours pas vraiment quand, ni où, on va pouvoir passer nos examens. C’est un peu inquiétant, c’est sûr."
Bien que Dimitri n’ait pas participé aux manifestations et qu’il se définisse comme un observateur, il affirme qu’elles ne l’ont pas gêné autant que le blocage actuel des lieux par la police : "Avant, on pouvait quand même aller en cours. Maintenant, tout est fermé, c’est trop".
Surveillance policière
Sur place, les policiers sont partout, scrutant les étudiants. Ceux qui s’aventurent trop près de la zone évacuée sont repoussés.
Si Tolbiac a été au centre du mouvement étudiant jusqu’ici, d’autres établissements parisiens prestigieux comme Sciences Po ou la Sorbonne ont participé, tout comme des universités en région, dont Montpellier, dans le sud de la France.
Les étudiants protestataires s’opposent à la réforme d’Emmanuel Macron visant à introduire davantage de sélection dans le processus d’admission universitaire. Aujourd’hui, tous les lycéens qui ont obtenu leur baccalauréat peuvent s’inscrire à n’importe quel cours de licence et sont sélectionnés au hasard. Un système qui donne des classes bondées pour les matières les plus recherchées, comme le droit ou la psychologie, ainsi qu’un taux d’échec élevé. Selon le gouvernement, la réforme de la sélection doit permettre de résoudre ces problèmes.
Léo, 26 ans, étudiant en philosophie, prévient toutefois que la bataille va continuer : "C’est une défaite temporaire, c’est tout. En fait, cela nous mobilise encore plus : lundi et mardi, nous allons rejoindre les cheminots pour montrer notre désaccord en force".
Le directeur du Centre de Tolbiac, Florian Michel, avait jeudi déploré les centaines de milliers d’euros "gaspillés" qu’il faudrait réinvestir dans la rénovation des locaux dégradés par les occupants, alors que les budgets des universités ne sont pas en hausse.
Texte adapté de l'anglais par Yona Helaoua. Lire l'original ici.