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La mort d'un journaliste d'investigation russe jugée très suspecte

RSF a exigé, lundi, une enquête complète et impartiale après la mort du journaliste d'investigation russe Maxime Borodine, qui a chuté depuis son balcon. "Il n'y a pas de raison d'ouvrir une affaire criminelle", a répondu le Comité d'enquête local.

Maxime Borodine, journaliste d'investigation russe, est mort des suites de ses blessures, après une chute depuis le cinquième étage de l'immeuble où il habitait, dans la ville d'Ekaterinbourg, dans l'Oural, dimanche 15 avril.

Jeune journaliste âgé de 32 ans travaillant pour le quotidien Novyi Dien (Nouveau Jour), il avait signé des enquêtes sur la présence supposée de mercenaires russes pro-Bachar al-Assad en Syrie. Selon le Pentagone, une centaine d'entre eux auraient été tués ou blessés le 7 février à Deir Ezzor, en Syrie, par des forces américaines déployées dans la région. Un sujet extrêmement sensible dont France 24 s'était fait également l'écho à travers le témoignage exclusif de leurs familles.

Maxime Borodine écrivait aussi régulièrement sur la corruption et le crime organisé. Il a notamment couvert le scandale entourant l’oligarque Oleg Deripaska ou encore la polémique en 2017 autour de “Matilda”, un film retraçant les amours de jeunesse de Nicolas II et dont le réalisateur a été accusé de souiller l’image du tsar et d’offenser les croyants.

La police locale écarte d'emblée la piste du crime : "Il n'y a pas de raisons d'ouvrir une affaire criminelle. Plusieurs versions sont à l'étude, dont celle de l'accident, mais il n'y a aucun signe montrant qu'un crime a été commis", a déclaré le Comité d'enquête local à l'agence TASS lundi 16 avril.

Le jeune homme serait tombé, tout seul, du balcon de son appartement, au cinquième étage, à en croire les enquêteurs russes, qui notent que l’appartement du journaliste était verrouillé de l’intérieur lorsque les enquêteurs y ont pénétré. La piste de l'accident est donc officiellement privilégiée.

Faut-il croire au suicide ?, s'interroge le journaliste de RFI Vincent Souriau, qui poursuit : "Sa rédactrice en chef n'y croit pas. Maxime Borodine avait 32 ans, c'était un journaliste en pleine ascension, il n'avait selon elle aucune raison de mettre fin à ses jours. Et il n'a rien laissé derrière lui, ni lettre ni message audio ou vidéo destiné à ses proches."

Le défenseur des droits de l’Homme Viatcheslav Bachkov assure quant à lui avoir reçu un appel inquiet de Maxime Borodine la veille de sa chute mortelle. RFI précise : "Quelques jours avant sa mort, Maxime Borodine avait appelé un ami à 5 h du matin, paniqué, rapportant qu'il y a quelqu'un avec une arme sur son balcon et des gens en tenue de camouflage dans sa cage d'escalier. Ce soir-là, il ne lui était rien arrivé, Borodine lui-même avait parlé de fausse alerte. Mais peut-on vraiment parler de coïncidence ?"

L'organisation non-gouvernementale Reporters sans frontières (RSF) note que le journaliste avait fait état de plusieurs agressions ces derniers mois. RSF exige "une enquête complète et impartiale sur sa mort. Le caractère hautement sensible de ses investigations doit conduire les enquêteurs à examiner sérieusement toutes les hypothèses, y compris celle d’un assassinat lié à ses activités journalistiques."

Le représentant pour la liberté des médias de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Harlem Désir, a affirmé que la mort de Maxime Borodine était "très préoccupante". "J'appelle les autorités à mener une enquête rapide et approfondie", a-t-il écrit sur Twitter lundi.

I am shocked by the death of journalist Maksim Borodin in #Russia; and I call for a full, transparent and independent investigation. Read my full statement here: https://t.co/S2yrnINmff #JournoSafe pic.twitter.com/37dgWyZBRy

  OSCE media freedom (@OSCE_RFoM) 16 avril 2018