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Viktor Orban, maître de la "démocratie illibérale" en Hongrie

Viktor Orban, qui brigue dimanche un troisième mandat consécutif à la tête de la Hongrie, est un ancien libéral devenu défenseur autoproclamé d'une "Europe chrétienne", assumant un style autoritaire et xénophobe malgré les critiques de l'UE.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, un des dirigeants les plus controversés au sein de l'Union européenne, part favori pour remporter, dimanche 8 avril, un troisième scrutin législatif d'affilée et consolider en Hongrie un pouvoir "illibéral" qui a profondément transformé le pays.

Icône des droites dures en Europe et outre-Atlantique, le dirigeant de 54 ans a été récemment qualifié de "héros" par Steve Bannon, ex-conseiller du président américain Donald Trump, dans une interview au New York Times.

C'est pourtant en jeune libéral que Viktor Orban se fait un nom, en juin 1989, quand il défie le régime communiste à Budapest avec un discours enflammé pour la liberté, lors d'un hommage aux victimes du soulèvement de 1956. Cofondateur un an plus tôt de l'Alliance des jeunes démocrates (Fidesz), il devient le symbole des aspirations de la Hongrie à se libérer du totalitarisme et à adopter les valeurs occidentales.

Premier ministre en 1998, il doit cependant abandonner le pouvoir quatre ans plus tard après une cuisante défaite face au Parti socialiste, héritier des anciens communistes. Une humiliation qu'il n'oubliera jamais.

Revenu au pouvoir en 2010, alors que le pays est profondément ébranlé par la crise économique et par des scandales liés au précédent gouvernement de gauche libérale, il entreprend de cimenter l'emprise de son parti sur toutes les institutions du pays au nom du salut de la "nation hongroise".

Admiration pour Vladimir Poutine et xénophobie

Confortablement réélu en 2014, ce père de cinq enfants revendique l'exercice d'une "démocratie illibérale" et proclame son admiration pour le président russe Vladimir Poutine, qu'il est le premier dirigeant de l'UE à accueillir après l'annexion de la Crimée, la même année.

Les critiques de l'Union européenne ou des États-Unis sur l'atteinte à l'équilibre des pouvoirs ou sur son refus d'accueillir des réfugiés n'ont que marginalement infléchi sa politique. Au contraire, face à une chancelière allemande Angela Merkel affaiblie, il s'estime aujourd'hui conforté par la politique qu'il a mise en œuvre lors de la vague migratoire de 2015, érigeant notamment des centaines de kilomètres de clôture barbelée pour bloquer les réfugiés.

Le Premier ministre hongrois a également contribué à réactiver l'alliance régionale du groupe de Visegrad, dont les membres (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie) sont notamment unis par leur hostilité à l'immigration et jouent régulièrement les trublions au sein de l'UE.

George Soros, le bouc émissaire

Dans la foulée, Viktor Orban a fait de George Soros son bouc émissaire favori, accusant le milliardaire juif américain d’origine hongroise, qui finance de nombreuses ONG de droits civiques en Europe, de fourbir un "plan" destiné à noyer l'Europe sous les migrants, dans une campagne aux relents antisémites.

Les ennemis de la Hongrie "ne croient pas au travail mais spéculent avec de l'argent. Ils n'ont pas de patrie, mais croient que le monde leur appartient", a-t-il martelé dans un récent discours.

Né le 31 mai 1963, ce passionné de football, qui a grandi dans une localité proche de Budapest, est pourtant passé par l'université d'Oxford... grâce à une bourse du même George Soros.

Pays miné par le clientélisme

Opportuniste ou visionnaire ? "C'est la question à un million de dollars", estime Andras Schweitzer, de l'université Eotvos Lorand de Budapest. Une chose est toutefois sûre, selon lui : la plupart des interlocuteurs d'Orban "reconnaissent son talent et son art de comprendre très vite les choses".

Mais malgré un chômage au plus bas (3,8 %) et une croissance dynamique (4 % en 2017), une forme de lassitude commence à se faire jour dans un pays miné par le clientélisme. Et le recours systématique à la rhétorique antimigrants semble avoir atteint ses limites.

"La société hongroise est plus intelligente que ça", a reconnu Andras Bencsik, un éditorialiste pourtant proche du parti Fidesz de Viktor Orban. L'opposition accuse le dirigeant de chercher à occulter les "vrais" problèmes : corruption, santé, éducation, pouvoir d'achat.

Quelle leçon en tirera-t-il ? Pour la plupart des analystes, Viktor Orban est avant tout un "pragmatique" à l'écoute des tendances de fond de la société hongroise et sachant faire machine arrière quand il le juge nécessaire.

Celui qui a été affectueusement appelé "dictateur" par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, a ainsi toujours pris garde à ne jamais franchir complètement les lignes rouges, alors que son pays dépend des fonds de l’UE pour la quasi-totalité de ses investissements structurels.

Avec AFP