Un homme fiché S a tué vendredi trois personnes et en a blessé 16 autres lors d'une série d'attaques dans l'Aude. Selon le procureur de Paris, son suivi n'avait montré "aucun signe pouvant laisser présager un passage à l'acte terroriste".
Pierre Conesa, maître de conférence à Sciences Po, était l’invité de France 24 pour évoquer le profil de l’auteur de la prise d’otages survenue vendredi 23 mars à Trèbes. Il rappelle que tous les jihadistes des attentats de 2015 et 2016 avaient bénéficié de soutiens en France.
Selon Gérard Collomb, l'assaillant de Trèbes ne présentait pas de danger immédiat. Comment peut-on faire face à ce gendre d'individu ?
Il y a un terreau de base qui est l’idéologie salafiste, mais il est très difficile de repérer l'individu qui, dans cette "salafisation", va passer à l’acte terroriste. Comme on ne peut travailler pas sur les individus, ils sont trop nombreux à être fichés, il faut travailler en profondeur sur ce terreau salafiste.
Toutes les enquêtes menées après les attentats de 2015 ont montré que les terroristes ont pu s'appuyer sur des cellules dormantes en France. Celles-ci sont installées sur le territoire depuis une vingtaine d’années et, à chaque fois, elles ont donné un coup de main tout en restant dans la légalité.
Aujourd’hui, une logique de soutien logistique à ces attentats terroristes continue à exister en France.
Il y a toujours un réseau derrière ce genre d'individu ?
Toujours, on n’a jamais eu le cas d’un individu ayant pris sa décision seul. D’un côté il y a Artigat, la ferme d’Olivier Corel, qui a vu passer tous les terroristes de 2015 et 2016.
D’un autre côté, il y a Lunel, la ville d’où sont parties environ 20 personnes vers la Syrie. Donc on a là un foyer de radicalisation. Aujourd’hui, vous ne pouvez pas tenter d’identifier l’individu, mais vous pouvez tenter de démanteler cette logistique.
Y a-t-il une corrélation entre les défaites militaires de l'organisation État islamique (EI) en Syrie et en Irak, et ce genre de passage à l'acte en France ?
On ne peut pas savoir ce qu'il reste exactement intellectuellement et en capacité humaine à Daech [autre nom de l'EI en arabe, NDLR]. Par contre, la forme de l’attentat change. Les attentats de novembre 2015 nécessitaient une organisation, un pilotage depuis la Syrie ou l’Irak.
Aujourd’hui, on est dans une forme d’attentat beaucoup plus décentralisé, spontané et difficile à détecter. Un attentat très bon marché aussi, ce qui veut dire qu’il n’y a plus de financement extérieur et donc que cet argent est local. Il s’agit de microfinancements extrêmement difficiles à détecter.
C’est probablement la coopération de la communauté musulmane qui va permettre d’empêcher que de l’argent versé à l’occasion de la zakât, l’obligation religieuse d’aider les pauvres, soit détourné en partie pour aider ces gens à préparer leurs attentats. C’est là-dessus qu’il va falloir travailler.