
La mise en place avec l'accord de paix avec les ex-Farc est-il menacé ? Au lendemain des élections législatives de dimanche, auquel a participé l'ex-guérilla, la victoire au Parlement de la droite opposée à ce texte suscite beaucoup d'inquiétudes.
Pour la première fois en plus d'un demi-siècle de conflit armé, les Colombiens ont pu voter, dimanche 11 mars, lors des élections législatives sans la menace des guérillas des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Pour la première fois également, les anciens rebelles ont participé à ce scrutin leur permettant de faire leur entrée au Parlement. Le président Juan Manuel Santos a salué "les élections les plus sûres, les plus transparentes (...) de l'histoire récente du pays".

Pourtant, les résultats n'ont jamais tant provoqué d'incertitude sur l'avenir du pays.
En tête de la coalition de droite, c'est le Centre démocratique du sénateur et ex-président Alvaro Uribe, farouche adversaire de l'accord avec les ex-Farc, qui a recueilli le plus de voix, obtenant 19 sièges au Sénat et 33 à la chambre des députés. Si la Farc (Force alternative révolutionnaire commune) a obtenu seulement 0,35 % au Sénat et 0,22 % à la Chambre, le centre et les autres partis de gauche ont fait une avancée, selon des résultats officiels portant sur plus de 90 % des suffrages.
Qu'en sera-t-il sur la suite de la mise en œuvre de l'accord, signé en 2016 avec ce qui était alors la rébellion la plus ancienne et la plus puissante d'Amérique ? L'accord avec les Farc garantit 10 des 280 sièges du nouveau Parlement à l'ancienne guérilla marxiste, devenue la Force alternative révolutionnaire commune, sous le même acronyme.
La droite pourra toutefois difficilement jeter aux orties l'accord de paix qui a polarisé la quatrième économie d'Amérique latine, mais dont le point majeur, le désarmement des 7 000 guérilleros des Farc, est effectif.
"Je vote pour la première fois"
Mais, avec des alliances au Congrès, elle sera en mesure de bloquer la mise en œuvre du reste du pacte, dont la réforme agraire et la justice spéciale de paix. Les ex-rebelles doivent avouer leurs crimes, dédommager les victimes et pourront bénéficier de peines alternatives à la prison, ce qu'elle rejette. Elle devrait maintenant peser sur la présidentielle, prévue les 27 mai et 17 juin.
Les ex-rebelles, qui ont quitté la lutte armée dans la jungle des Andes pour l'arène politique, étaient visiblement émus dimanche. "Je vote pour la première fois de ma vie et je le fais pour la paix", a assuré l'ex-commandant rebelle et futur sénateur Pablo Catatumbo, 64 ans, en se rendant aux urnes sous la protection de gardes du corps.
"C'est la première fois, en plus d'un demi-siècle, que les Farc, au lieu de saboter les élections, y participent", s'est félicité le président de la Colombie, ajoutant que l'Armée de libération nationale (ELN, guévariste), dernière guérilla active, avait "respecté" le cessez-le-feu unilatéral annoncé pour l'occasion.
Ce dimanche, avaient aussi lieu les primaires pour désigner les candidats à la présidence des deux principales tendances. À droite, c'est le sénateur Ivan Duque (CD) qui l'a emporté, à gauche, Gustavo Petro, ancien maire de Bogota et ex-guérillero du M-19 dissout. Avec le centriste Sergio Fajardo, ancien maire de Medellin, deuxième ville du pays, ils sont en tête des sondages.
Si Ivan Duque remporte la présidence, les pourparlers avec l'ELN pourraient aussi être retardés. Ils ont été gelés en février par le gouvernement après des attentats meurtriers de cette guérilla d'environ 1 500 combattants.
Juan Manuel Santos, au pouvoir depuis 2010 et qui le quittera le 7 août, entendait signer avec l'ELN un accord similaire à celui conclu avec les ex-Farc et parvenir ainsi à une "paix complète" en Colombie, où le plus ancien conflit armé du continent a fait plus de huit millions de victimes entre morts, disparus et déplacés.
Avec AFP