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Taxes américaines : entre Bruxelles et Trump, la loi du talion

Bourbon, jeans Levi’s et Harley Davidson : telles sont les principaux produits auxquels Bruxelles menacent de s’attaquer en cas de taxe américaine sur les importations d’aluminium et de fer. Des produits qui n’ont pas été choisis par hasard.

À représailles, représailles et demi. Donald Trump, dans un tweet posté samedi 3 mars, a menacé, tout à sa rhétorique de "guerrier commercial", d’imposer des tarifs douaniers sur l’importation des voitures européennes, en plus des taxes qu’il a promises.

If the E.U. wants to further increase their already massive tariffs and barriers on U.S. companies doing business there, we will simply apply a Tax on their Cars which freely pour into the U.S. They make it impossible for our cars (and more) to sell there. Big trade imbalance!

  Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 3 mars 2018

Une réponse aux propos tenus la veille par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, qui s’était dit prêt à imposer de sanctions contre l’importation "de bourbon, de Harley Davidson et de jeans Levi’s" si les États-Unis mettaient en œuvre leurs taxes douanières sur l’aluminium et le fer.

Capacité de nuisance politique

L’Union européenne est, pour l’heure, le seul partenaire commercial de Washington à avoir précisé sur quel terrain elle comptait combattre l’éventuelle instauration de nouveaux tarifs douaniers par Donald Trump. La Chine ou encore le Canada, qui exportent également d’importantes quantités d’aluminium et de fer vers les États-Unis, se sont contentés de regretter l’annonce choc du président américain, avertissant Washington qu’ils ne resteraient pas les bras croisés.

Bourbons, motos, blue-jeans, côté européen, contre aluminium, fer et voitures, côté États-Unis. Sur le papier, les arguments américains semblent plus forts que ceux des Européens. En tout, les exportations de produits américains cités par Jean-Claude Juncker s’élèvent à près de 3 milliards de dollars. Une pécadille, comparée aux 20 milliards de dollars que représentent les exportations européennes d’aluminium vers les États-Unis.

Mais ce qui compte avant tout pour Jean-Claude Juncker, c’est le coût politique des sanctions. Il n’a pas fait son choix par hasard. Sa liste a été préparée pour que les États américains affectés soient ceux dirigés par des responsables politiques à capacité de nuisance forte envers le président américain. Le bourbon ? Ce spiritueux est la spécialité et fierté du Kentucky, région dont est issu le sénateur et responsable de la majorité républicaine Mitch McConnell. Les Harley Davidson sortent d’usine dans le Wisconsin, d’où vient le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan. Enfin, la ville historique des jeans Levi Strauss est San Francisco, qui est aussi le fief électoral de Nancy Pelosi, la très influente membre démocrate de la Chambre des représentants.

L'arme jus d'orange

Jean-Claude Juncker veut faire savoir au président américain que le déclenchement d’une guerre commerciale risque de lui porter préjudice politiquement sur la scène nationale. Il sait que la menace est efficace. En 2002, lors du dernier conflit commercial entre les États-Unis et l’Europe, Bruxelles avait lutté avec succès contre des tarifs douaniers sur les exportations européennes de fer en utilisant la même technique. L’UE avait, notamment, visé le jus d’orange, produit en Floride, État alors dirigé par Jeb Bush, frère de président de l’époque, George W. Bush. "On s’était bien amusé, car on savait que c’était le genre de situation où on était sûr de gagner", a raconté à Politico Paul Defraigne, l’ancien chef de cabinet du commissaire européen au Commerce en exercice en 2002, Pascal Lamy.

La contre-attaque de Donald Trump démontre, par ailleurs, les limites de l’offensive américaine. La menace de s’en prendre à l’industrie automobile européenne risque de faire pshitt. La plupart des BMW, Volkswagen et autres Renault-Nissan qui roulent sur les routes américaines sont en effet produites aux États-Unis. Imposer une taxe sur leur importation n’aurait donc pas grand sens. Sauf politique : au pays de la voiture reine, s’en prendre aux marques européennes est toujours un bon moyen pour s’attirer la sympathie des "rednecks" en moins de 280 caractères.