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Vero est-il une alternative intéressante pour un nouveau réseau "vraiment social" ?

Retour sur le succès soudain du réseau social Vero, sa posture alternative et ses limites.

Un nouveau réseau social peut-il éclore et s'imposer sur le marché ? Tandis que les critiques pleuvent sur Facebook et que les influenceurs fuient Snapchat, on se demande s’il n’est pas temps pour un nouveau challenger de rejoindre les rangs très prisés des plateformes à plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs.

Vero, une application sociale lancée en 2015 et qui n’atteignait même pas le Top 1 500 de l’App Store la semaine dernière, s’est retrouvée sous le feu des projecteurs à la fin de ce mois de février, avec une croissance soudaine de 300 % et un million de téléchargements en quelques jours. Vero, qui n'est accessible que via l'appli, fonctionne beaucoup comme Instagram, avec une forte propension à l'utilisation de contenus visuels et un fil d'actualité. Il permet aussi de classer les contenus selon leur type (photos, vidéos, liens, etc) et l'on peut catégoriser ses contacts – nous y reviendrons.

Les créateurs de l’application, qui ont mis en ligne un "manifeste de Vero", souhaitent que ses utilisateurs aient "les mêmes relations en ligne que dans la vie" et veulent que "les vraies relations passent en premier" grâce à Vero. Un mantra, une baseline que les développeurs justifient par une critique claire des concurrents de Vero : "Un déséquilibre s’est créé entre les intérêts des plateformes et les meilleurs intérêts des utilisateurs. Un faux sentiment de connexion nous a laissés plus seuls que jamais", écrivent-ils.

Quelques bonnes idées…

Vero peut-il faire mieux ? Sur le papier, l’application met en avant quelques arguments qui pourraient faire mouche. Le premier, c’est l’algorithme : contrairement à Facebook, Instagram, Twitter ou plus récemment Snapchat, Vero fait la promesse d’un fil d’actualité chronologique qui n’est pas manipulé par un algorithme mettant en avant certains partages plus que d’autres ou qui peut changer au gré des envies de l’entreprise.

Même Twitter et Snapchat, qui ont longtemps résisté à cette curation par algorithme, ont fini par céder à ce fonctionnement. La raison ? Les taux d’engagements des utilisateurs sur l’application sont plus importants lorsqu’on met en avant des publications plus "performantes".

Par ailleurs, Vero promet un modèle complètement libre des publicités. Pas de publications sponsorisées et pas d’images invasives de la paire de chaussures que vous êtes allés voir sur un autre site deux heures plus tôt. Il n’y aurait donc pas de trackers sur l’appli et l'appli n'exploiterait pas les données de ses utilisateurs. Comment gagner de l’argent, alors ? Les créateurs de Vero promettent une inscription à vie pour le premier million d’abonnés et quelques frais annuels pour les autres – sans avoir encore annoncé les sommes en question.  

Mais rien de nouveau sous le soleil des réseaux sociaux

Ces deux particularités – sans publicité, sans algorithme – sont supposées donner à Vero sa spécificité, être les germes d’une application "plus authentique", qui "vous laisse être vous-mêmes".

Pour ça, Vero vous laisse notamment catégoriser vos relations, comme nous le disions plus haut. Lorsqu’on partage un lien, une photo, un endroit où l’on est allé récemment ou une œuvre que l’on a appréciée, on peut choisir quelle audience aura accès à cette publication en fonction du cercle dans lequel nous avons placé les personnes. Un principe initié par Google+, mais que Vero simplifie en quatre catégories : "amis proches", "amis", "connaissance" ou "follower".

Est-ce que ces précautions pour rendre le réseau social plus "authentique" fonctionnent ? Pas vraiment. Pour la simple et bonne raison que sur un fil d’actualité sans curation algorithmique, les utilisateurs les plus prolifiques seront nécessairement les plus vus. Qui est-ce que cela valorise ? Les influenceurs et autres professionnels des réseaux sociaux. L’application a d’ailleurs débauché un certain nombre d’entre eux.

In fine, Vero fonctionne sur les mêmes principes que ses concurrents. Les abonnés, les influenceurs, la popularité. Derrière le discours "alternatif", on retrouve la même soupe que chez ses concurrents. Quand envisagera-t-on un réseau social qui ne fonctionne pas sur le principe de "la plus grosse visibilité" et les "taux d’engagement" ?

Vero’s really taking social media stalking to the next level. pic.twitter.com/M9mwKjpn7H

— Jeff Gerstmann (@jeffgerstmann) 27 février 2018

Vero, c’est pas toujours très clair

En faisant un tour dans les règles d’utilisation de l’application, on peut également voir que Vero ne se distingue pas véritablement de ses concurrents. Comme sur Facebook, Reddit ou n’importe quel réseau social, la privacy policy de l’appli dispose de l’utilisation des données de ses utilisateurs.

C'est même écrit dans leur Privacy Policy https://t.co/tDJNRKvWE0 pic.twitter.com/sTVwuKDsgu

— Arnaud (@mynameisarnaud) 27 février 2018

Mais c’est surtout le profil de son créateur qui interroge. L’appli a été fondée par Ayman Hariri, fils de l’ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri, une famille milliardaire qui a parfois eu un fonctionnement pour le moins incorrect avec ses employés.

J'ai fait une petite recherche. Le co-fondateur et CEO de #Vero doit toujours des millions à ses anciens employés. C'était une entreprise de BTP basée en Arabie Saoudite. Now, you know. https://t.co/Abr1tJ33wX via @lemondefr

— Seb (@sebasqien) 26 février 2018

Que deviendra Vero ? Jusqu’ici, sa plus grande réussite a été de se faire voir au bon moment, alors que ses principaux concurrents sont dans une passe assez difficile. Mais comme Google Plus, Mastodon ou Sarahah, il est fort probable qu’elle reste une application de niche ou qu’elle tombe dans l’oubli. Cela étant dit, son succès soudain, fondé sur la promesse d’un réseau social alternatif, montre le besoin d’une application capable de nous détacher de Facebook et consorts.

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