
Accueilli par des sifflets lors de son arrivée au Salon de l'agriculture, samedi, Emmanuel Macron entend rassurer un secteur en crise dont il dit vouloir réinventer le modèle. "L'agriculture française est une terre de conquête", a-t-il fait valoir.
Emmanuel Macron s'est dit convaincu que l'agriculture française était une "terre de conquête" alors qu’il visitait, samedi 24 février, le 55e salon du secteur, où il a été accueilli par des sifflets mais aussi des applaudissements, illustration des tensions actuelles au sein d'un monde paysan en pleine réorganisation.
Les incertitudes portent notamment sur l'avenir de la politique agricole commune (PAC), dont la France est l'un des principaux bénéficiaires, après le départ prévu du Royaume-Uni en 2020. "On est là pour faire le point sur les professions, le financement, le modèle social, la recherche, préparer les prochaines échéances, [notamment] le schéma de la PAC à venir, clarifier les choses, donner de la visibilité à ceux qui vont bénéficier des aides et clarifier les impacts sur les financements des uns et des autres", a dit le président, lors d'une réunion organisée au salon avec les acteurs institutionnels de l'agriculture.
"Je sais l'importance qu'a notre agriculture, je sais les attentes, les angoisses et la souffrance sur le terrain. Je suis convaincu qu'il y a un avenir certain pour notre agriculture mais à inventer ensemble, il y a des décisions difficiles à prendre dans certains secteurs. L'agriculture française est aussi une terre de conquête, il y a beaucoup de choses à faire", a ajouté Emmanuel Macron dans son propos liminaire, auquel la presse a pu accéder.
Sifflets et applaudissements
Le président est ensuite allé à la rencontre des exposants dans le hall hébergeant l'ensemble des animaux. Il a initialement été accueilli par des agriculteurs déguisés, des bousculades, et des applaudissements. "Je suis heureux de passer la journée avec des passionnés" a-t-il dit lors de sa rencontre avec un éleveur venu d'Aveyron. Plus loin, il a toutefois été sifflé pendant plusieurs minutes par des membres des Jeunes agriculteurs, qui ont brandi des t-shirts portant l'inscription "Attention agriculteurs en colère".
Avant l'inauguration, l'Élysée avait fait savoir qu’Emmanuel Macron se déplaçait toujours avec plusieurs costumes de rechange. L'an passé, l'encore candidat à la présidence avait reçu un œuf sur l'épaule, dont il avait plaisanté, affirmant que le jet de projectile relevait du folklore du salon.
"Aujourd’hui, on n'a pas réellement eu d’engagements de la part d’Emmanuel Macron. Il a répété les discours qu’il nous avait faits lors de ses vœux mais aussi jeudi dernier devant la nouvelle génération paysanne", estime au micro de France 24 Temanuata Girard, secrétaire générale de Confédération paysanne, qui a assisté à la réunion avec le chef de l’État. Aujourd’hui, on entend ce qui est dit, mais il faut passer aux actes des actes. Nous, ce qu’on veut, c’est que les agriculteurs aient un revenu. Les agriculteurs souffrent d’incompréhension, de désespoir. On a eu un énième discours, mais comment va-t-il s’appliquer ? Est-ce que l’administration ne va pas plus compliquer les choses ? Il faut simplifier la vie aux paysans."
"Regardez-moi bien dans les yeux"
Pour déminer le terrain, le président avait expliqué jeudi à 700 jeunes agriculteurs reçus à l'Élysée sa vision de l'agriculture de l'avenir : il veut la réorganiser en "filières" pour tenter de garantir sa rentabilité tout en la sortant de sa dépendance aux fonds publics européens. Il a aussi laissé entrevoir le lancement d'un système de "préretraites agricoles avec une sortie progressive de l'activité", afin de permettre à un jeune de prendre la suite de ses parents.
L'Europe n'est pas le seul souci des agriculteurs français. Les éleveurs craignent notamment l'importation à taux réduit en Europe de 70 000 tonnes de viande bovine sud-américaine par an, à droits de douane réduits si l'Europe signe un accord commercial avec les quatre pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Selon le syndicat FNSEA, la France risque "de perdre 20 000 à 25 000 exploitations" si l'Europe signe ces accords.
Les inquiétudes sont d'autant plus fortes que les paysans français peinent à gagner leur vie de leur travail en raison de la guerre des prix impulsée par la grande distribution.
"Il y aura des contrôles, regardez-moi bien dans les yeux, il y aura des contrôles et des résultats concrets" a promis le président à un agriculteur déguisé en vache qui se plaignait de "la grande distribution qui se moque de nous".
Avec AFP