Nous avons rencontré Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État chargé du numérique, pour discuter de la stratégie à adopter pour que les entreprises et la population ne soient pas lésées par les révolutions induites par l'IA.
On l’a dit, lu, entendu mille fois : l’intelligence artificielle va devenir une technologie disruptive, transformant en profondeur notre société, nos vies, nos métiers. Mais beaucoup s’interrogent sur les impacts négatifs que va induire une telle technologie : la perte d’emploi, la sécurité des données, les questions éthiques et, surtout, l’accentuation de la fracture sociale et numérique.
À l’occasion de l’AI Night, une soirée organisée le jeudi 8 février par France is AI et Artefact à destination des professionnels du secteur, Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique, a estimé que 20 % de la population française ne savait pas comment utiliser les outils simples du numérique, comme se connecter à une interface ou faire une démarche en ligne. Comment faire en sorte que cette partie de la population ne se retrouve pas sur le carreau, tant socialement que professionnellement, quand l’IA aura achevé sa petite révolution ?
Faire en sorte que les entreprises prennent le virage de l’IA
C’est l’un des principaux points de réflexion de la mission confiée par Mounir Mahjoubi et Édouard Philippe au député de l’Essonne et mathématicien Cédric Villani. Depuis septembre, celui-ci planche sur une nouvelle stratégie de la France pour l’intelligence artificielle avec chiffres, objectifs et plan de bataille à la clé.
Cédric Villani a rendu son bilan à mi-parcours en novembre et le rapport final devait être rendu public en janvier. Mais n’est pas (encore) arrivé. Dans un entretien commun avec la Tribune, les Échos et Viuz, Mounir Mahjoubi a affirmé à Mashable FR que le présent rapport serait rendu public "dans quelques semaines" pour correspondre à l’agenda du gouvernement.
Mounir Mahjoubi souligne notamment le "retard" des TPE/PME dans ces domaines et affirme qu’un programme pour accélérer leur transition va être lancé
Et que la question de l’inclusion aux domaines du numérique en ferait largement partie, en particulier concernant les qualifications professionnelles. Sans vouloir donner de détails sur les conclusions du rapport, Mounir Mahjoubi semble principalement tabler sur le "Plan investissement compétences 2018-2022", un effort financier à 15 milliards d’euros qui devrait, s’il aboutit, former un million de jeunes et un million de demandeurs d’emploi, en particulier dans les domaines du numérique.
"L’enjeu va être de traiter la fracture entre ceux qui maîtrisent et ceux qui ne maîtrisent pas. Ceux qui vont voir leur métier se transformer et ceux qui vont profiter de ces transformations. La pari qu’a fait le gouvernement, c’est de dire que la seule réponse à ça, ce sont les compétences", affirme le secrétaire d’État. "Le seul moyen de préparer la société à cette transformation, c’est qu’il faut que chacun ait le droit de se former autant que nécessaire. Oui, ça va bouger, il va y avoir du mouvement, ces technologies vont apporter plus de santé dans nos vies, de fluidité dans les transports et de bien-être au quotidien. Et en même temps, elles vont aussi bouleverser les équilibres économiques et il faudra qu’on soit prêt".
Il faudra évidemment que les entreprises suivent. Mounir Mahjoubi souligne notamment le "retard" des TPE/PME dans ces domaines et affirme qu’un programme pour accélérer leur transition devrait être lancé dans le courant du premier semestre 2018. Les "champions du numérique" français, eux, peinent encore à se faire voir, même si le secrétaire d’État affirme que les grands groupes français sont désormais assez en avance et prêts à se transformer.
Pour combler les brèches du numérique
Un autre axe de réflexion concerne le public à une échelle plus large, pour que ces 20 % de personnes qui ne savent pas utiliser les outils du numérique soient formées en vue des prochaines évolutions technologiques. Mounir Mahjoubi veut mettre en place une (autre) stratégie nationale pour combler ces manques.
"Nous travaillons dessus depuis neuf mois. Nous voulons faire en sorte que, dans chaque département, dans le courant du premier semestre 2018, nous ayons un guichet capable d’identifier les personnes qui ne savent pas utiliser les services numériques, avoir des associations qui les accompagnent et un financement local qui permettra de créer une circulation", explique le secrétaire d’État, affirmant qu’il s’agit de mesures qui doivent être mises en œuvre "dans l’urgence" pour apporter "le minimum [de compétences] à tous".
Alors que la question de la protection des données personnelles est débattue à l’Assemblée nationale ces derniers jours et que l’entrée du "paquet européen de protection des données" va entrer en vigueur le 25 mai prochain, une meilleure éducation populaire et nationale aux évolutions induites par la massification du numérique semble nécessaire.
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